Les partisans du président islamiste déchu Mohamed Morsi étaient mobilisés par milliers vendredi pour dénoncer son éviction par les militaires et la vague d'arrestations des dirigeants de son mouvement, faisant craindre un nouveau bras de fer et des violences. En prévision de ce «vendredi du refus» (hier) auquel les islamistes ont appelé, des avions de combat survolaient Le Caire où de nombreux blindés étaient déployés, après que le ministère l'Intérieur a prévenu qu'il répondrait «fermement» à tout trouble. Les pro-Morsi étaient rassemblés pour la traditionnelle prière musulmane, devant la mosquée de Nasr City, un faubourg du Caire, où des partisans du président déchu campent depuis plusieurs jours. Ils ont été rejoints en fin de matinée par de nombreux islamistes. Regroupées au sein du «Front national de défense de la légitimité», les principales forces islamistes ont appelé à manifester en masse et «pacifiquement» contre «le coup d'Etat militaire». Les Frères musulmans ont dénoncé «la terreur de l'Etat policier». Après avoir destitué le président mercredi, l'armée a appelé à rejeter la «vengeance» et à œuvrer pour «la réconciliation nationale», malgré une campagne d'arrestations menée contre M. Morsi, détenu par l'armée, et ses proches au mouvement des Frères musulmans. M. Morsi n'a plus été vu depuis ce jour. Embarrassé après le renversement du premier président démocratiquement élu d'Egypte même s'il était contesté par une grande partie du peuple, l'Occident a encore exprimé son inquiétude, Washington demandant au pouvoir de ne pas procéder à des «arrestations arbitraires» dans le camp islamiste. Les protestations font craindre de nouveaux accrochages avec les forces de sécurité ou même avec des groupes de manifestants anti-Morsi qui restent rassemblés au Caire, notamment à la place Tahrir. Avant l'aube, de nouvelles violences ont éclaté, cette fois-ci dans la péninsule du Sinaï, où un soldat a été tué et deux blessés dans des attaques simultanées de militants islamistes contre des postes de police et militaires, selon une source médicale. Des militants dans cette région ont publiquement menacé de représailles à l'éviction du président islamiste, alors que des heurts entre pro et anti-Morsi ou entre manifestants et forces de l'ordre ont par ailleurs fait plus de 50 morts depuis le début des manifestations le 26 juin. Human Rights Watch (HRW) a réclamé une «enquête rapide et impartiale pour déterminer les responsables de ces morts. Les informations disponibles indiquent que les partisans comme les opposants de M. Morsi -et peut-être aussi les forces de sécurité- sont responsables de morts inutiles». La mise à l'écart de M. Morsi a été annoncée par son ministre de la Défense et chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Sissi, nouvel homme fort du pays, après des manifestations d'une ampleur inédite réclamant sa chute et après que l'armée a jugé qu'il n'était pas à même de sortir le pays de la crise. Le président de la Haute cour constitutionnelle Adly Mansour, désigné dirigeant intérimaire du pays par l'armée, a prêté serment jeudi. La durée de la transition n'est pas connue. Pour le représentant de l'opposition Mohamed El Baradei, l'intervention de l'armée pour faire partir M. Morsi était une «mesure douloureuse» mais nécessaire pour «éviter une guerre civile». L'armée n'a pas l'intention de diriger le pays, a-t-il dit à la BBC, promettant «un gouvernement civil sous une semaine». La feuille de route sur la transition politique, rédigée par l'armée et négociée avec l'opposition et les principaux dignitaires religieux musulmans et chrétiens du pays, prévoit un cabinet «doté de pleins pouvoirs». Après sa destitution, M. Morsi a été arrêté et emmené au siège du ministère de la Défense, un responsable de l'armée évoquant une détention «préventive» et laissant entendre qu'il pourrait être poursuivi en justice. En outre, le Guide suprême de la confrérie Mohamed Badie a été arrêté pour «incitation au meurtre de manifestants», de même que son son prédécesseur Mehdi Akef. Son numéro 2 Khairat al-Chater est sous le coup d'un mandat d'arrêt, et le chef du Parti de liberté et de la justice, a été arrêté. Elu en juin 2012, M. Morsi était accusé de tous les maux politiques, sociaux et économiques du pays par ses adversaires, qui dénonçaient une volonté des Frères musulmans de monopoliser le pouvoir et de restaurer un système autoritaire. Ses partisans, eux, soulignent que les problèmes du pays existaient avant son arrivée et défendent la «légitimité» de son élection. Le coup de l'armée ouvre la voie à une délicate transition dans le plus peuplé des pays arabes, où les militaires avaient pris durant 16 mois les rênes du pouvoir après la révolte populaire qui avait renversé le régime Moubarak en février 2011. Enfin, le procureur général très controversé Abdel Méguid Mahmoud, nommé sous Honsi Moubarak, démis par M. Morsi puis réintégré en début de semaine, a fini par annoncer qu'il démissionnerait.