L'un des acquis majeurs de l'épreuve de la stabilisation, bénie par la communauté internationale, vole-t-il en éclat ? Il s'agit de l'accord de paix d'Ouagadougou, autorisant le déploiement de l'armée malienne et du cantonnement des combattants du MNLA dans des points fixes. La base du compromis n'est plus de mise entre partenaires qui s'accusent mutuellement de violations des engagements contractés. Pour le lieutenant-colonel, Diarran Koné, « les manifestants, manipulés par le MNLA », se sont attaqués aux soldats de la Minusma (Mission de stabilisation de l'ONU au Mali) et de Serval, alors que des menaces de représailles pèsent sur les habitants, tenus pour être favorables à la présence de l'armée malienne. La chasse aux sorcières reste vivace dans la dérive communautaire. Elle fait le lit des profonds antagonismes et des ressentiments nourris par le MNLA redoutant des expéditions punitives contre les « peaux-rouges », qualificatif attribué aux communautés targuie et arabe, souvent assimilées au MNLA et aux groupes terroristes d'Aqmi et du Mujao. Des « non-touaregs », présentés comme étant des « agents de Bamako », ont fait les frais de la purge entreprise, au début du mois de juin, par le MNLA revanchard. Kidal est le maillon faible du nouveau Mali démocratique et unitaire. A la veille du lancement de la campagne électorale pour le 1er tour de la présidentielle du 28 juillet, le « climat de tension » qui règne à Kidal suscite des inquiétudes sur l'avenir du processus électoral et la tenue des opérations de vote sur « l'étendue du territoire national ». Constat sans appel : aucun des 28 candidats en course ne s'est rendue à Kidal, tenue en marge de la vie électorale particulièrement animée dans les autres grandes villes du Nord malien, à l'image de Gao et Tombouctou. Pis, le candidat Tiébélé Dramé, le négociateur en chef et l'architecte de Ouagadougou, affirme tout son scepticisme quat au déroulement normal du premier tour de la présidentielle, à la gageure fortement compromise. Ce qui l'a incité à déposer, hier, une requête à la Cour constitutionnelle demandant « l'annulation du décret convoquant le collège électoral », justifié par « la violation grave de la loi » par Me Hamidou Diabaté, l'avocat et membre du Parti pour la renaissance nationale (Parena). « Il y a violation de la loi, parce qu'elle dit que le collège électoral ne peut pas être convoqué tant que les listes électorales ne sont pas établies sur l'ensemble du territoire national ». A Kidal, a fait valoir l'avocat, les listes des 13 communes font encore défaut pendant la période légale comprise entre le 5 et le 25 juin. Suffisant pour « tirer les conclusions qui s'imposent » ? Diabaté a « bon espoir » que la Cour décide du report comme il est exigé par le candidat déçu, Tiébélé Dramé. Six mois après l'intervention française, l'épreuve de Kidal remet sur le tapis la lancinante question de la construction démocratique. Le scénario du moindre mal fonde l'option de l'International Crisis Group plaidant pour un report de « courte durée , dans un délai n'excédant pas 3 mois », pour sauver le Mali de l'enlisement dans un processus électoral chaotique aux graves conséquences sur la légitimité constitutionnelle et le rétablissement de la stabilité.