Qui pouvait mieux que Ramtane Lamamra, Rezzag Barra et Liès Boukraa, qui a publié des études et des livres sur le sujet, parler de ce sujet ? Au début des travaux, devant un parterre où il y avait le wali de Boumerdès et beaucoup de femmes sahraouies, un ministre de la RASD a fort opportunément rappelé que «le royaume du Maroc tente d'accoler l'accusation de terroriste au Polisario». «Ils cherchent à tout prix à nous salir», dira-t-il. Premier à prendre la parole dans cette rencontre consacrée au «traitement du terrorisme transnational par la communauté internationale», M. Bara, conseiller à la présidence de la République, a rappelé les dispositifs (conventions, résolutions du Conseil de sécurité) à l'échelle de l'Onu ou des organisations régionales comme l'Union européenne ou la Ligue arabe ou le G8. Il citera notamment les résolutions 1267 et 1540 du Conseil de sécurité qui établissent la liste des terroristes recherchés et des mesures pour lutter contre le blanchiment d'argent. Cette riposte juridique a constitué ces dernières décennies le bouclier face à un phénomène dont il a rappelé brièvement les caractéristiques et l'histoire depuis l'antiquité. «Il n'est pas spécifique à une ethnie, une religion ou une civilisation», dira-t-il. «L'Onu, expliquera-t-il, faute de trouver un consensus sur la définition du terrorisme que certains veulent voir englober les mouvements de libération, s'est rabattue sur une stratégie élaborée depuis 2006». «Chaque pays doit soumettre un rapport pour voir les mesures prises pour combattre ce fléau qui constitue partout une menace pour la paix et la sécurité internationales». Evoquant l'expérience de l'Algérie, il dira que «la prise de conscience du peuple quant à la nocivité du terrorisme est un premier pas dans la voie de son éradication». La lutte, conclura Me Bara, «ne peut être le fait d'un seul pays et que l'approche sécuritaire tout en étant nécessaire ne saurait suffire ». VISAGES D'ISLAM C'est à un voyage dans la planète islamiste multiforme et complexe que nous a conviés le professeur Boukraa. La principale ligne de démarcation selon lui «est entre les adeptes de l'Islam éclairé et les tenants d'une interprétation littérale et historique de cette religion». En somme, c'est le conflit entre El Ghazali et El Farabi qui perdure. Il évoquera tour à tour l'histoire des Frères musulmans dont l'aile radicale en faisant joindre l'enseignement de Qotb, d'Ibn Abdelawahab a abouti au courant djihadiste. Pour lui, «il faut lire l'islamisme comme l'expression d'intérêts politiques» et évoque les nouvelles figures de l'islamisme. Le cyber Islam qui surfe sur les angoisses existentielles et la perte de repères, les courants soufis, le chiisme dopé par Nasrallah et la Salafiya qui se pare de rationalisme. «C'est de là que viennent ceux qui par refus de la politique aboutissent à renier les symboles de la souveraineté nationale comme le drapeau ou l'hymne national». Pour le professeur Boukraa, «c'est un wahhabisme déguisé financé par l'Arabie Saoudite». UNITÉ AFRICAINE Enfin, Ramtane Lamamra a abordé la stratégie africaine qui a décrété 2010 année de la paix et de la sécurité pour éradiquer le terrorisme. La présence en force au dernier sommet de Kampala a été un message fort et la constitution de bataillons intégrés formés d'armées africaines dont un contingent de la RASD est un des aspects de cette mobilisation. A l'en croire, le continent noir est décidé à prendre à bras le corps ses problèmes pour «avoir des solutions africaines aux problèmes africains». «L'UA, a-t-il ajouté, n'est pas une simple tribune politique mais se veut un partenaire efficace dans la lutte mondiale contre le terrorisme». Revenant sur la confusion délibérément entretenue entre terrorisme et libération nationale, le diplomate a fait remarquer que «si l'un relève du droit pénal interne, les mouvements d'emancipation sont soumis au droit de guerre». Présent à la tribune, l'ex-ministre malien de la Défense qui dirige un observatoire sahélo-saharien de géopolitique et stratégie a pointé du doigt la gravité de la situation dans ce ventre mou de l'Afrique. M Soumeylou Boubeye Maiga a évoqué la collusion entre terrorisme et réseaux de criminalité, la faiblesse de certains Etats dans cette vaste étendue et l'engagement inégal des Etats face à la menace. Selon lui, entre 15 à 22 millions d'euros sont générés chaque année par les trafics et permettent d'équiper et de recruter pour l'Aqmi. «La coopération régionale est impérative, dira-t-il, pour que les appétits pour les richesses de cette région ne débouchent pas sur des interventions d'éléments étrangers». Pour lui, «l'enjeu sécuritaire doit être érigé en priorité nationale».