Il est tout de même regrettable qu'un monument tel qu'Abderezzak Fehkardji, ne puisse susciter, serait-ce, qu'une toute publication biographique ayant pour seul et unique souci, la préservation de ce pan entier de notre histoire culturel. Lui qui a marqué la musique algérienne de ses lettres de noblesses en la hissant aux cimes du prestige et de la notoriété. Lui le grand maître de la musique andalouse.Abderezzak Fakhardji est issu d'une famille de fervents mélomanes. Il s'initie, très jeune, au contact de ses deux frères aînés, Hamidou et Mohamed, décédés respectivement en 1925 et 1956 - à la musique classique andalouse, en jouant, d'abord, de la percussion et, ensuite, de la mandoline et du violon-alto. En adhérant, en 1929, à l'association El Andaloussia, nouvellement créée et où enseignait son frère Mohamed, il a eu la chance d'y rencontrer un disciple du Maître Mohamed Sfindja, décédé en 1908, en la personne de Makhlouf Bouchara, auprès duquel il recueillera quelques morceaux relativement rares. Lorsque l'association El Djazairia (connue depuis 1951 sous l'appellation d'El Djazairia – El Mossilia) fut fondée le 27 janvier 1930, il la rejoignit, avec son frère Mohamed. C'est là qu'il enrichit son répertoire auprès de Mohamed Ben Teffahi, fidèle disciple de Mohamed Sfindja, et auquel il succèdera, plus tard, pour former, à son tour, toute une pléiade d'élèves. Faisant sienne la méthode de son maître, Abderezzak va, aussi bien à El Djazairia El Mossilia qu'au Conservatoire d'Alger où il avait occupé successivement de 1935 à 1952 et de 1952 à 1982, les fonctions de professeur de la classe supérieure, dispensé à des générations d'élèves tout ce qu'il a acquis lui-même. Fidèles à la tradition de leur maître, certains de ces derniers poursuivront l'enseignement de la musique dans les associations et au Conservatoire assurant, ainsi, une heureuse continuité dans la transmission séculaire du répertoire andalou. Il convient de signaler, par ailleurs, que Abderrezak Fakhardji a été appelé, en 1945, à conduire, sous la direction de son frère Mohamed, l'orchestre de musique classique andalouse de Radio-Alger, composé d'une trentaine d'éléments, pour accompagner, avec son incomparable archet, les chanteurs les plus réputés. Il en assurera ensuite l'entière responsabilité, en 1956, à la mort de son frère. Lors des festivals nationaux de musique classique organisés en 1966, 1968 et 1972 par le Ministère de l'Information chargé de la Culture, il a assuré, avec la maestria qui lui est connue, la direction de l'Orchestre d'Alger, mettant en relief la richesse et la qualité du patrimoine musical, face à une représentation étrangère aguerrie du Maroc, de Tunisie, de Libye, d'Égypte, de Syrie, d'Iran, de Turquie, d'Espagne et la participation du Liban avec Fayrouz. Ce fut donc l'occasion pour Abderrezak Fakhardji de démontrer que l'Algérie recelait un art musical très riche, raffiné et d'une exceptionnelle valeur, héritage d'une civilisation qui eut ses heures de gloire.