La main sur le cœur, les yeux presque larmoyants, le jeune patron de Facebook se désole du sort de presque un tiers des habitants de cette planète qui n'accède pas à son réseau social et se promet d'entrer par la grande porte de l'Histoire avec son projet philanthropique dont il vient de décliner les contours. Dans un communiqué d'une dizaine de pages, publié cette semaine et largement repris par la presse, Mark Zuckerberg trace les objectifs arrêtés avec les partenaires mobilisés, une demi-douzaine de sociétés de la haute technologie, car ce projet est jugé trop important pour sa seule société. Ensemble, ils promettent, rapporte le site http://www.rue89.com, de travailler « pour l'avènement d'un monde entièrement connecté où chacun aurait accès à Internet et, bien sûr, à Facebook ». Intitulé « la connectivité est-elle un droit de l'Homme ? », le texte publié par Zuckerberg comporte l'engagement que « depuis presque dix ans, Facebook a eu pour mission d'ouvrir et connecter davantage le monde. [...] Je me concentre là-dessus, car je pense que c'est l'un des plus grands défis de notre génération ». Ce projet est destiné à améliorer la connectivité des populations, notamment africaines, par un recours au téléphone mobile qui connaît une véritable explosion sur le continent noir. Elle serait réalisée presque à perte, pour Zuckerberg qui jure tout de même que « mais nous croyons que tout le monde a le droit d'être connecté ». Le document publié retrace les axes de travail que comptent emprunter les partenaires engagés dans cette « aventure philanthropique ». Il s'agira essentiellement de travailler sur les coûts de connectivité par un recours aux téléphones mobiles intelligents, d'alléger les conditions de déclinaison des applications et d'encourager les modèles économiques des petites entreprises prestataires de services mobiles. Même si beaucoup peuvent être tentés d'accréditer le penchant philanthropique du jeune prodige de Facebook, le rappel de certains faits et éléments d'analyse par d'autres autorise, à tout le moins, de s'interroger sur ses véritables ressorts. Cette annonce vient à un moment où Facebook fait face à une véritable saturation des scores de fréquentation sur le marché américain, source de quelques froncements de sourcils de la part des milieux financiers et des investisseurs. Même si les populations africaines visées ne recèlent pas le potentiel économique ni le pouvoir d'achat escompté pour monnayer leur fréquentation du site de réseautage social, une telle initiative pourrait fouetter les capacités de Facebook à mobiliser de l'audience et, du coup, à dépasser le mur de morosité et de saturation qui lui obstrue les perspectives. Ceci d'autant que l'œil de Zuckerberg doit être rivé sur le concurrent Google lequel, il y a peu, rappelons-le, a annoncé son fameux projet « Google Loon » qui vise à connecter les populations enclavées par un accès en wifi à ses fameux ballons gonflables navigant dans la stratosphère. En 2011, Google a aussi lancé un autre défi à Facebook avec son projet Free Zone, conçu avec des opérateurs de téléphonie mobile pour assurer aux populations de pays en développement un accès gratuit à certains de ses services, notamment la messagerie Gmail. De son côté, le site de micro blogging Twitter met, lui aussi, la pression avec son accord signé par plus de 200 opérateurs de téléphonie mobile dans une centaine de pays à travers le monde pour offrir un accès gratuit à ses servies. Il n'est pas difficile, à la lumière de tous ces éléments, de comprendre les ressorts d'une telle entreprise. D'autant, comme le soulignent certains analystes, que ce recours exclusif au téléphone mobile risque de perpétuer le retard numérique dont souffrent les populations visées, auxquelles il aurait été pertinent de demander ce qu'elles préféraient entre une connexion à internet et une connexion à un réseau électrique.