Une recrudescence des incendies a été constatée ces deux dernières années surtout au niveau de la capitale. Des sinistres ont, en effet, touché des établissements publics importants à l'exemple de la Banque Centrale, la Grande Poste ainsi que des unités de production et autres dépôts de stockage privés. « Ce constat peut être expliqué par la forte présence d'une activité industrielle et économique n'obéissant pas aux normes, induisant une nuisance à l'environnement et au cadre de vie du citoyen », souligne un rapport établi par les services de sécurité. Les conclusions du rapport sont étayées par les enquêtes diligentées par les services de sécurité et qui écartent la piste criminelle. Elles ont relevé que la majorité des incendies qui se sont déclarés dans des établissements classés ne sont pas d'origine criminelle mais la conséquence de négligence. En effet, les investigations des services spécialisés de la police et la gendarmerie nationale ont fait ressortir que parmi les causes de ces incendies, il est fait étét de l'absence de réseau de lutte contre le feu, à savoir le poteau d'incendie, le robinet d'incendie armé (RIA), la bâche à eau et l'extincteur automatique (sprinkler). Selon les rapports des services de sécurité, les usines et les dépôts qui ont connu des sinistres n'étaient pas pourvus de ce réseau. Autres insuffisances constatées : le manque de sorties réglementaires. « Les propriétaires procèdent généralement à la fermeture de toutes les issues à l'exception de la porte de sortie pour déjouer des tentatives d'intrusion et de vol », explique un officier de police. Les interventions des unités de la protection civile ont également permis de constater la présence de stockage sur les voies périphériques menant aux usines. Ainsi les quatre façades de la bâtisse se trouvent occupées et donc inaccessibles aux engins de la protection civile. « C'est l'une des causes qui retardent les secours et les sauvetages », affirme un officier de la protection civile. Les enquêtes ont également relevé l'absence de système de désenfumage naturel ou mécanique dans ces établissements et de système de détection automatique de fumée. « Ce système détecte la fumée par une sirène et localise l'incendie dès son début, ce qui permet l'intervention rapide, la maîtrise du feu et la réduction des dégâts humains et matériels », explique un expert de la protection civile. Les enquêteurs des services de sécurité ont également relevé l'absence de personnel qualifié en matière de lutte contre les incendies. « Ces équipes doivent être formées en hygiène et sécurité. Quelques établissements publics et privés ont déjà fait appel à des ex-pompiers spécialisés dans la prévention et la lutte contre les incendies », ajoute le rapport établi par les services de sécurité, qui souligne que la plupart des établissements ravagés par le feu manquaient de personnel qualifié. « Les propriétaires ont recruté des gardiens qui n'ont ni expérience ni notions en la matière », révèle le document. des insuffisances qui provoquent drames et dégâts Des gardiens qui ignorent même le téléphone vert de la protection civile (le 14). S'ajoute l'absence de moyens d'alerte comme l'alarme sonore et le téléphone. L'incendie d'un entrepôt de stockage de produits de peinture à El Hamiz, au mois de juillet dernier, le confirme : un gardien assurait la protection des lieux en l'absence d'une équipe qualifiée. Selon le chef de compagnie de la gendarmerie de Chéraga, le commandant Walid Bouzaghboub, « l'alerte sur l'incendie de Chéraga a été donnée par un citoyen qui a remarqué une fumée et non par les propriétaires des unités de production », a-t-il affirmé. Le stockage constitue, quant à lui, un risque sur l'environnement. Cette activité industrielle est couverte par une étude d'impact. L'une des causes des graves incendies : le non-respect des normes de stockage en hauteur et en lots et le stockage de produits inflammables sans protection. Il est à signaler que les premiers éléments de l'enquête sur l'incendie d'El Hamiz ont révélé le « non-respect des normes en vigueur en matière de stockage des produits inflammables, à l'origine de l'incendie », avait déclaré le directeur général de la protection civile, le colonel Mustapha Lehbiri, qui a saisi l'occasion pour appeler « au respect des conditions de stockage, notamment durant l'été ». Les premiers éléments de l'enquête sur l'incendie de Chéraga ont fait ressortir que le propriétaire ne disposait pas d'autorisation d'exploitation. Plusieurs établissements privés activent clandestinement, note le rapport de la police. Dans ce domaine, une sous-direction des études et de la réglementation relevant de la direction de prévention est chargée de cette mission. Un service de prévention existe dans chaque wilaya. La délivrance d'une autorisation d'exploitation est soumise à la réglementation. En effet, les installations classées sont soumises à des décrets exécutifs définissant la réglementation applicable aux établissements classés pour la protection de l'environnement, les champs d'application, le contenu et les modalités d'approbation des études et des notices d'impact sur l'environnement. Le promoteur doit saisir les services de la protection civile dont le rôle passe par la phase études. Les experts de la prévention de la protection civile doivent, au préalable, émettre un avis pour la construction des installations en approuvant les plans d'aménagement après l'étude des dossiers techniques tels le réseau anti-incendie, le système de désenfumage et de détection d'incendie. L'exploitation vient en deuxième position par la programmation de visites de conformité des bâtis, des moyens et équipements de lutte contre l'incendie, et ce, conformément aux plans approuvés dans la phase d'étude. En outre, les établissements sont tenus d'avoir un plan d'intervention interne pour déterminer la conduite à tenir en cas d'incidents, sur la base des scénarios d'accidents identifiés dans les études de danger. Ils doivent également programmer des manœuvres en direction des établissements pour assurer la coordination entre les agents de sécurité affectés et les éléments de la protection civile. Mais de tels exercices sont rares dans ce domaine. Dès lors, une question se pose : les services chargés du contrôle et de la mise en œuvre des dispositions légales imposées par l'étude d'impact font-ils leur travail ? Selon le décret, il est institué, au niveau de chaque wilaya, une commission de contrôle des établissements classés, dénommée « la commission ». Mais selon le rapport des services de sécurité, cette commission est absente du terrain. Et pourtant, elle est tenue d'effectuer des visites de contrôle périodiques pour s'assurer de la fiabilité des systèmes existants et exigés lors de la phase étude, le respect du mode et conditions de stockage des matières premières et produits finis. « L'absence de contrôle a encouragé les promoteurs au non-respect des normes et à modifier même le plan d'étude », note le rapport d'enquête. 264 usines activent au noir à Alger Les causes des incendies dans ce type d'usines sont généralement difficiles à déterminer, en dehors évidemment de l'acte criminel. Pour ce faire, le commandement de la gendarmerie a créé un service spécialisé, le département incendies-explosions relevant de l'Institut national de criminologie et criminalistique (INCC). Les experts ont traité 320 affaires en une année et ont procédé à deux expertises sur des incendies importants suite à deux attentats terroristes à l'explosif. « Les incendies et les explosions reposent sur des phénomènes physiques et chimiques semblables. L'exploitation des résidus et traces prélevés sur la scène permet la détermination des causes de l'incendie ou de l'explosion, la nature de l'explosion, la nature de l'explosif, les mécanismes de mise à feu, la reconstitution de la nature des engins explosifs ainsi que l'identification des munitions et des agents incendiaires », explique le commandant Achour Maâmar de l'INCC. Selon le chargé de communication du premier commandement régional de la gendarmerie de Blida, le capitaine Abdelkader Beziou, 264 infractions liées à l'exploitation d'établissements classés sans autorisation ont été constatées dans la wilaya d'Alger suite à 402 patrouilles effectuées durant les premiers six mois de l'année en cours. De leur côté, les 48 brigades de la police de l'urbanisme et de la protection de l'environnement (PUPE) de la DGSN réparties sur l'ensemble du territoire national « veillent, en coordination avec les services techniques locaux, à l'application des lois et règlements en matière d'urbanisme et de protection de l'environnement », selon le responsable de la communication de la DGSN, le commissaire divisionnaire Djillali Boudalia. Ces brigades sont chargées de lutter contre toutes formes de constructions illicites, occupation illégal de sol, aménagement ou transformation d'immeuble à usage d'habitation ou commercial. Elles ont aussi pour mission de combattre toute atteinte à l'environnement, à l'hygiène et à la salubrité publique. Mission difficile pour les soldats du feu Reste que pour la protection civile, la mission reste compliquée et sensible quand il s'agit d'un incendie industriel. « La fumée est un obstacle dans ce type d'incendies. On doit déployer des moyens humains et matériels importants pour maîtriser le feu et éviter la propagation des flammes toxiques qui ont un impact sur l'environnement et la santé », explique le responsable de la communication de la direction de la protection civile de la wilaya d'Alger, le lieutenant Sofiane Bekhti. Les pompiers sont de plus en plus efficaces sur le terrain. Pour preuve : tous les feux ont été maîtrisés en un temps record sans pertes humaines. Ses services ont enregistré durant les cinq mois de l'année en cours, 23 incendies industriels à Chéraga, Rouiba, El Hamiz contre 110 en 2012, dont le plus important a été celui de la Grande Poste et l'imprimerie de la Banque Centrale. La direction de la protection civile de la wilaya d'Alger a mobilisé 127 camions anti-incendie. Trois personnes ont été sauvées lors de ces incendies par la protection civile, ajoute l'officier.