Recourir à la location chez les particuliers est la seule issue qui reste à ceux et celles qui n'ont pas eu la chance de bénéficier d'un logement par le biais des différents programmes étatiques. Mais cela n'est pas toujours évident, notamment pour les jeunes couples et les bourses moyennes, car les loyers sont excessivement chers. Pour l'exemple, un appartement F2, perdu dans la banlieue d'Oran, peut atteindre, en moyenne, les 15.000 dinars par mois. Quand il est situé en ville, il peut aller jusqu'à 25.000. De surcroît, le propriétaire exige invariablement le payement d'un an de loyer à l'avance. En plus d'une caution. Et pour corser l'addition, le courtier y ira de son aigre-douce sérénade, vous obligeant à lui aligner « son » treizième mois alors même qu'aucune loi ne l'autorise à vous l'extirper. Mais faisons, d'abord, le tour du propriétaire. Depuis quelques années, Oran connaît une réelle santé dans l'habitat, ce qui lui a permis de réaliser au moins 50.000 logements. Les nouvelles cités, surtout à l'est de la ville, champignonnent comme pas possible. Mais malgré ces nouvelles réalisations, la crise du logement demeure. A croire que plus on construit, plus les prix augmentent. Si bien qu'une flambée spectaculaire est constatée dans l'immobilier depuis trois ans. Ainsi, les prix des ventes et les tarifs de location des logements, des terrains et autres villas ont pris les chemins des cieux, au grand dam des SDF, par omission... familiale. Les prix de la location ou la vente ont triplé Par exemple, la location d'un trois-pièces à la nouvelle et pimpante cité LSP de Akid-Lotfi se négocie entre 25 et 30.000 dinars le mois. Son prix d'achat peut atteindre les deux milliards. Il y a une année, dans la même cité, les prix ne dépassaient pas les 7 millions de dinars à l'achat. Et entre 18.000 et 20.000 dinars la location. Dans les cités résidentielles, un trois-pièces se négocie de 25.000 à 30.000 dinars par mois. Une augmentation vertigineuse d'au moins 5000 dinars/mois a été constatée depuis une année. Au centre-ville, les loyers sont beaucoup plus chers, explique la gérante d'une agence immobilière. Pas moins de 30.000 dinars le F3 colonial. Un trois-pièces dans un immeuble propre et calme du centre-ville se loue aux alentours de 35.000 dinars par mois. Pire, pour devenir « proprio » d'un appartement de banlieue, on ne négocie pas à moins d'un milliard de centimes, voire deux, alors que ces appartements ont été vendus, lors de leur construction, pas plus de 150 millions de centimes ! Pour acheter une villa, c'est une autre paire de manches. « 10, 15, 20, 40, 50 milliards de centimes » sont les prix que l'on peut rencontrer dans les agences immobilières. C'est dire que la location (ou la vente), du fait d'une demande qui est très forte actuellement, devient de plus en plus inaccessible pour les bourses modestes, expliquent plusieurs agents courtiers. De leurs avis, ces envolées des prix sont justifiées par les améliorations apportées au cadre de vie (goudronnage des boulevards, éclairage public, réalisation de certains équipements). Mais les postulants à la location, eux, ne trouvent aucune logique aux prix pratiqués dans la cité oranaise. Selon un « agent immobilier » installé dans un local au rez-de-chaussée de Haï Es-Sabah, à l'est d'Oran, la crise du logement qui sévit à Oran (pourtant, des dizaines de milliers de logements ont été réalisés) et la demande de plus en plus étoffée qui émane des nouveaux couples, des salariés poussés à « l'exode » par leur poste de travail, etc., sont à l'origine des hausses des tarifs de location. Les riches « commerçants » (comprendre trabendistes et barons du trafic en tout genre) et les « beggara » qui roulent avec des sachets bourrés de dinars sont, également, en partie responsables de la flambée des prix de l'immobilier à Oran. « Il y a beaucoup de gens qui achètent des appartements pour en faire des résidences secondaires ou même un capital dormant susceptible de générer de forts bénéfices », explique un courtier qui a pignon sur rue sur le boulevard Front de Mer. « L'investissement dans la pierre est un acte commercial réfléchi et sûr », explique notre interlocuteur. L'immobilier est, donc, devenu un moyen de blanchir de l'argent. Ainsi, la volonté des autorités de réduire au maximum l'utilisation des liquidités dans l'activité économique pousse ces nouveaux milliardaires à investir dans l'immobilier. De l'argent gagné facilement dans l'économie informelle ou le trafic, mais dont l'avenir est sérieusement compromis par l'obligation d'utiliser le chèque dans les transactions commerciales supérieures à 50.000 dinars. Le diktat des courtiers spéculateurs Mais nos courtiers, tout comme les gérants des maisons de courtage, ne vous diront jamais qu'ils sont principalement à la base de cette flambée qui brûle le porte-monnaie et l'existence de tous ceux qui sont à la recherche d'un sweet-home, quand bien même serait-il provisoire. En effet, ce sont les courtiers et les intermédiaires qui décident des prix et conseillent les vendeurs. Plus c'est gros, plus ça étoffe le 13e mois du courtier. Mais il arrive, également, que ce soit les contingences qui décident des prix. Ainsi, si vous êtes pressé de louer ou de vendre (ou d'acheter), c'est le temps dont vous disposez qui décrète à votre place. Par exemple, si le propriétaire est pressé de vendre, il va céder son logement avec beaucoup de consistants abattements sur le prix. S'il vend sans aucune pression, il a tout le temps de négocier et de vous mettre le couteau à la gorge. La même chose est valable pour l'acheteur qui peut saisir certaines occasions ou carrément passer à l'abattoir. Cette demande inattendue a ouvert grand l'appétit des propriétaires qui exigent en plus d'une caution, le paiement cash de toute la durée du contrat alors qu'avant, les locataires ne payaient que selon le temps d'occupation. Les terrains ne sont pas en reste. Le prix du mètre carré est en train de battre des records. A Douar Belgaïd, à une demi-heure de voiture du centre-ville d'Oran, le mètre carré de terrain a franchi le cap du million de centimes. Et les prix deviennent « fous » au fur et à mesure que l'on approche du centre-ville : entre 20.000 et 40.000 dinars le mètre carré », affirme le gérant d'une agence au quartier chic de Miramar. Bulle immobilière et bulle spéculative La bulle spéculative dans l'immobilier a, donc, de beaux jours devant elle, d'autant que le dinar se dévalorise chaque jour un peu plus. « Tout achat garantit à l'acquéreur un rendement de plus de 40 %. Achetez maintenant et vous allez doubler les bénéfices en un an à peine ! », nous assure un agent immobilier. D'autant que les facteurs qui contribuent traditionnellement à la flambée des prix de l'immobilier sont toujours là. A commencer par le déséquilibre entre l'offre et la demande, l'augmentation des prix, les pénuries fréquentes des matériaux de construction, la révision à la hausse des salaires, la rareté des terrains aux alentours du centre-ville. Tous ces facteurs plaident en faveur d'un maintien de la hausse des prix de l'immobilier. Les spéculateurs ont, donc, profité de ces fluctuations brutales pour dicter leur loi. Les émigrés, également, investissent de plus en plus dans l'immobilier, ce qui contribue aux flambées observées actuellement dans le secteur. « De plus en plus de personnes cherchent à vendre ou à louer aux émigrés et aux entreprises étrangères », assure un courtier. « Tout le monde est séduit par les prix astronomiques pratiqués à Alger. Si bien qu'on peut trouver des loyers à plus de 100.000 dinars. » Résultats des courses, la flambée des prix de l'immobilier a multiplié le nombre de courtiers et d'agents immobiliers qui y trouvent un terrain juteux. Du simple agent de sécurité, en passant par le commerçant, le retraité, la femme de ménage, le courtage attire toutes les couches de la société. Question à une mansarde dans un bidonville à raison de la valeur du SNMG : jusqu'à quand les autorités vont-elles laisser le marché livré aux spéculateurs ?