Flambée - Les prix de l'immobilier ont atteint des niveaux tels que les éventuels acheteurs et locataires se font de plus en plus rares et que les vendeurs doivent de plus en plus les rabattre. «Aujourd'hui, à Alger, les délais de transaction s'allongent et la clientèle se raréfie. Ce constat, bien éloigné des anciennes analyses, est celui de Badis Seghir, un membre de l'Association nationale des promoteurs immobiliers. «On revient vers un marché plus normal, avec une demande moins forte en raison de l'insolvabilité des acheteurs.» Cette fois-ci, c'est Hadj Nacer, gestionnaire d'une agence immobilière à Bab El-Oued qui le confirme. «La tendance au ralentissement est bien là. Elle a été décelée dès 2002. Les propriétaires anticipaient tous la hausse, ils n'étaient pas raisonnables. Aujourd'hui, les plus gourmands d'entre eux auront du mal à vendre, s'ils ne mettent pas un frein à leurs prétentions», estime un notaire d'Alger. Tous les acteurs de la scène immobilière reconnaissent qu'à Alger, comme ailleurs, tout ne tourne plus aussi rond qu'avant. La folie des prix se calmera-t-elle un jour ? Il faut assurément que quelque chose bouge pour que ceux qui sont les plus âpres au gain (marchands de biens et courtiers en tête), s'inquiètent de voir la poule aux œufs d'or perdre quelques plumes. Que n'entendait-on récemment encore sur le marché algérois de l'immobilier : «Les prix vont continuer de monter, c'est inéluctable. Le marché algérois est sous-évalué par rapport à celui de plusieurs localités de la banlieue.» Drôle d'argument ! «Pourquoi l'immobilier dans le centre de la capitale devrait-il être plus cher qu'à Aïn-Taya, Bir-Mourad-Raïs ou Staouéli, par exemple ?», s'interroge un postulant que nous avons accosté à l'intérieur d'une agence immobilière de la rue Hassiba-Ben-Bouali. «Les professionnels de l'immobilier veulent faire croire que le rythme des hausses passées se poursuivra inéluctablement. A cause de ce raisonnement, on a dépassé les limites du bon sens», reconnaît le gérant de cette agence. «C'est devenu le règne du n'importe quoi», rétorque un autre client accompagné de son épouse, à la recherche de «chaussure» à son pied. En effet, le témoignage des notaires de l'Algérois atteste d'une augmentation «exagérée» du cours de l'immobilier, surtout durant les dix dernières années. «Durant la seule année écoulée, le prix moyen d'un très grand appartement a fait un bon de plus de 50%, dans un quartier populaire du centre de la capitale», déclare un notaire de Bab El-Oued. Il soutient que si un acquéreur veut passer, par exemple de 4 à 5 pièces, «la pièce supplémentaire coûtera 2 millions de dinars». De la pure folie, ces prix ont été relevés auprès de plusieurs agences immobilières. On s'aperçoit que le mètre carré a atteint jusqu'à 10 millions de centimes à Alger-Centre, 9 millions de centimes à l'ouest d'Alger et 8 millions de centimes à l'est. Sur le terrain, les agents immobiliers les plus sérieux, ceux qui ne surenchérissent pas à tous crins pour «subtiliser» une affaire à leurs confrères, osent le dire. Il leur faut beaucoup plus de temps qu'auparavant pour réaliser une transaction. «Il y a deux ans, j'arrivais à vendre un logement en moins d'un mois. Aujourd'hui, il m'en faut trois», raconte un gestionnaire d'une agence immobilière à Hussein-Dey. Trois mois de délai ? «Pour une bonne affaire, oui. Car les mauvaises, qui sont les appartements mal situés, trop sombres ou trop vétustes, exigent aujourd'hui des délais plus longs.» Est-ce là le signe d'un retournement de conjoncture ? Quand les marchands de biens mettent plus de deux appartements en vente dans le même immeuble, ils ont du mal à trouver un seul et unique preneur. «Le bœuf sur pied est devenu plus cher que le bifteck en tranches», ironise notre interlocuteur. «Le prix de deux appartements jumelés est plus élevé que celui de la somme de deux appartements vendus séparément.» Nombre d'agences immobilières souffrent des effets négatifs de la spéculation. Une sorte de retour de manivelle. Autre signe : des différences de plus en plus accusées entre les prix demandés par les propriétaires, voire affichés aux devantures des agences immobilières ou dans les petites annonces, et les prix réalisés à la transaction. Boulevard des Martyrs, le prix d'un ancien, mais bel appartement, est affiché depuis 4 mois à 1,8 milliard de centimes. Il a été vendu lors de notre passage à 1,2 milliard de centimes. On a comptabilisé jusqu'à 30% d'écart entre les prix d'appartements de surfaces comparables dans un même quartier. Les moyennes elles-mêmes n'ont pas force de loi, loin s'en faut ! Même à El-Mouradia, à en croire le gérant d'une agence immobilière de cette commune des hauteurs de la capitale, le mètre carré affiche 5 millions de centimes. Il nous fait part de ses pérégrinations à Belouizdad, où il a vendu des appartements dont les prix oscillaient entre 3 et 3,5 millions de centimes le mètre carré. 2,8 millions le mètre carré à Laâqiba et 2,4 millions le mètre carré à Necira-Nounou. Preuve, s'il en était besoin, que les prix moyens par quartier n'ont de valeur que celle arithmétique.