Photos : Slimene S.A. Depuis des siècles, les zaouïas, quelles que soient les voies spirituelles (Tarîqa) dont elles s'abreuvent cultuellement, s'érigent dans le Grand Sud algérien tels des remparts contre toute corruption externe pouvant éventuellement remettre en cause la solidité du socle des coutumes et us de la région qui façonne son particularisme séculaire. Celui-ci fait de la tolérance, de la fraternité, du pardon et de tant d'autres vertus enseignées par la religion musulmane ses principes spirituels. Ainsi, les soubassements cultuels qui constituent pour ainsi dire l'âme des Zaouïas ont pu à travers les âges maintenir et conférer une notion de sacralité aux rapports de fraternité qui caractérisent les gens du Sud entre eux, et qui se manifeste également par la vertu de l'hospitalité lorsqu'il s'agit d'étrangers. En somme, et comme le soutient un habitant de la ville de Tamanrasset : « Les Zaouïas ont de tous les temps, aussi loin qu'on puisse remonter, jouer le rôle d'unificateur et sont également le repère et le porte-étendard de la religion chez nous». Parmi les porte-flambeaux des zaouïas dans la capitale de l'Ahaggar, El Hadj Mohamed Mokaddem, l'un des cheikhs des écoles coraniques de la région qui fait également office d'imam à la mosquée El Imam Malek de Tamanrasset depuis 1981. « Au cours des 28 années passées sur le Minbar de sa mosquée, il a su se forger une réputation irréprochable d'homme pieux et inspirer le respect dans tous les cœurs des habitants. Sa conduite, sa droiture, sa modestie, sa générosité envers son prochain et ses connaissances incontestées des choses religieuses ont fait de lui un personnage constamment sollicité par ses concitoyens. En un mot, El Hadj Mokaddem est pour un bon nombre d'entre nous une source de conseils et d'enseignements », tient à dire à son sujet Djamel T., un fidèle de la mosquée El Imam Malek. Comme lui, nombreux ceux qui viennent le solliciter en dehors des heures de la prière. « La porte de sa demeure est constamment ouverte pour ceux qui cherchent des réponses ou des conseils », confie à ce propos un de ses voisins. « NOUS N'INFLUENÇONS PAS NOS ÉLÈVES » El Hadj Mokadem nous a reçu avec la modestie propre aux grands hommes de la religion musulmane. Il a entamé ses propos par un hommage rendu aux chouyoukh des zaouïas qui ont perpétué l'enseignement pur de la religion dans la région et partout dans le monde musulman. Parmi ces grands noms qui ont servi l'Islam, le savant El Hadj Mohamed Ibn El Kabir de la Tariqa Chadoulia qui dirigeait avant sa mort, survenue en ce début du siècle, une école coranique à Adrar qui comptait à son époque plus de 1300 élèves. Ayant lui aussi reçu les préceptes et les enseignements de la religion musulmane de la main d'El Hadj Ibn El Kabir lorsqu'il était l'un de ses disciples avant d'occuper le poste d'imam, El Hadj Mokaddem dirige une école coranique à Tamanrasset fréquentée actuellement par 52 talebs, tous pris en charge en régime interne. « Au contraire de quelques écoles coraniques du Nord du pays où l'enseignement des fondements de la religion est souvent accompagné en parallèle par l'initiation aux préceptes de la Tariqa à laquelle appartient la zaouïa, les écoles du Sud prodiguent purement une instruction de base et approfondie de la théologie, de l'exégèse, des sciences des Hadiths, de la grammaire arabe ainsi que des autres branches des préceptes religieux, sans pour autant influencer l'élève à propos de la Tariqa qui doit suivre. Car, d'une part et en définitive, c'est un choix personnel et d'autre part, toutes les voies mères ne se contredisent pas dans le fond et ont une seule origine, à savoir le Saint Coran et la Sunna », fait-il remarquer. Alors durant le mois de Ramadhan, le programme d'études suivi par ses élèves commence dès l'aube pour ne prendre fin qu'au terme de la prière des Taraouih observée après celle d'El Icha. « Durant le mois sacré de Ramadhan, les élèves se consacrent presque exclusivement à la lecture et à la récitation des versets du Saint Coran, et ce en application de la tradition Ennabaouia (de la Sunna) » observe-t-il. En effet, après l'accomplissement de la prière d'El Fadjr, les Tolbas récitent le Saint Coran jusqu'à 11h30, soit plus de six heures sans interruption. « On reprend la lecture du Saint Coran juste après l'achèvement de la prière du Dhohr, et ce, jusqu'à une heure de la prière d'El Asr », ajoute-t-il. Ensuite tous les élèves suivront un cours de Hadiths rapportés dans les livres d'El Boukhari. Après la prière d'El Asr on rouvre le Livre Saint pour réciter des versets. Une fois la rupture du jeûne consommée, les élèves avant l'accomplissement de la prière d'El Icha et les Tarraouih, assisteront à un cours de Tafssir qui dure généralement une demi-heure. Durant tout le mois de carême le quotidien des Tolbas est ainsi cadencé et dévoué pratiquement à la lecture du Saint Coran. Néanmoins, durant la nuit qui précède le 27e jour du mois de Ramadhan qui coïncide avec laylet El Qadr (la Nuit du Destin), tous les élèves ainsi que les fidèles prieront ensemble jusqu'à l'aube. « C'est une tradition qui est scrupuleusement observée dans le Sud. Car Laylet El Qadr revêt une très grande importance sur le plan religieux. C'est une opportunité que personne ne doit absolument rater », estime le cheikh. « Entre les obligations et les charges que lui imposent la direction de l'école coranique et les devoirs qu'implique sa fonction d'imam à la mosquée le Cheikh El Hadj Mohamed trouve toujours le temps voulu et nécessaire afin d'accomplir convenablement sa mission, notamment durant le mois de Sidna Ramadhan», indique un de ses disciples sur la question de savoir comment l'imam Mokaddem allie les deux missions dont il a la lourde charge. Au demeurant, à Tamanrasset comme dans d'autres régions du Grand Sud du pays, les écoles coraniques sont considérées, au-delà du fait qu'elles constituent de par leurs missions une pépinière des futurs imams, tels des repères et des flambeaux qui illuminent les voies vers le salut collectif, celui d'une société qui aspire à la tolérance et à la solidarité.