Il a été ainsi projeté, lors de cette journée inaugurale, les films « Un bus nomme désir » de Rachid Benallal, « Fleurs de tiwilit » de Wassim Korbi, « Peau de colle » de Kaouther Benhania, « Selma » de Mohamed Benattia. Pour le premier film, il s'agit d'un célibataire endurci qui vit avec sa mère. Cette dernière lui met la pression pour qu'il se marie. Quotidiennement, il prend le bus pour se rendre au travail, en face de chez-lui. Dans le quartier, on commence à jaser sur cette étrange habitude. Les jeunes, eux, fuient le quotidien maussade et rêvent d'une vie meilleure, d'amour... Par cette œuvre, l'équipe de réalisation ambitionne de donner au paysage télévisuel et cinématographique son premier défi. Les intrigues se font et se défont au gré de la vie, de l'interprétation de jeunes ou d'anciens comédiens. Outre les grands bonheurs et les malheurs des personnages, les histoires de cœur et de haine, le scénariste ajoute des rebondissements qui influent sur la vie des personnages. Tranches de vie « Les fleurs de Tiwilit » de Wassim Korbi raconte la vie d'un couple qui vit hors du temps. L'époux décide d'emmener sa femme vers une destination inconnue. Le destin les propulse dans un mystérieux périple, et se retrouvent dans un espace où il n'y a nulle trace humaine. Un voyage cyclique dans un temps féerique. Ici, les rôles des comédiens ne sont pas écrits dans un langage où l'auteur met en scène les bons et les moins bons ; il s'agit ici de mettre en évidence la situation des individus, des hommes. Ce sont, en fait, des histoires qui touchent les sensibilités les plus austères. Le troisième film, « Peau de colle », de Kaouther Benhania relate le personnage de Amira, âgée d'à peine cinq ans, qui vit avec sa mère dans un appartement étroit à Tunis. En ce jour de rentrée à l'école, elle cherche désespérément le moyen de grappiller quelques heures de congé de plus. Elle se colle une main à l'accoudoir en bois du nouveau fauteuil qui meuble le salon. Réalisé en 29 minutes, le réalisateur nous expose une histoire originale et authentique. Côté critique, l'ensemble des observateurs a apprécié ce film. L'épilogue est marqué par une fin sur fond de happy end. L'audience prend l'allure d'une catharsis. Ce film propose une réflexion qui permet d'analyser l'influence des rapports sociaux entre adultes et enfants. Dans le quatrième film, « Selma », le réalisateur met en relief les tourments de la vie de Selma, une jeune femme qui a perdu son époux victime d'un accident de la route. Elle tente donc de prendre en main sa vie surtout qu'elle a une fille en bas âge. Un combat certainement sans faste mais émouvant de par sa vérité et sa sincérité. L'échelle des valeurs est bel et bien inversée. Les défauts deviennent des qualités et la médiocrité surpasse la compétence. Même au niveau de la justice, l'honnêteté n'est pas toujours reconnue. Il faut se battre pour faire triompher les valeurs authentiques alors qu'elles apparaissent d'elles-même. Ce film a pour principal objectif de mettre en lumière les inégalités et les luttes de survie. A la cinémathèque, les cinéphiles ont assisté à la projection de deux documentaires. Le premier, « Ibn Khaldoun », de Chergui Kharroubi, et le deuxième, « Maudit soit le phosphate », de Sami Tlili. Chergui Kharroubi dresse le portrait presque parfait d'Ibn Khaldoun, le philosophe, le diplomate, l'historien. Il est considéré aujourd'hui comme un précurseur de la sociologie moderne. Dans ce film, le réalisateur nous fait découvrir l'ampleur du personnage et son influence toujours actuelle, à travers un docu-fiction ponctué par des interviews, des commentaires et des témoignages historiens, d'anthropologues, de politologues et de sociologues. « Maudit soit le phosphate » de Sami Tlili aborde une histoire attachante et poignante d'un sit-in observé, le 5 janvier 2008, devant le siège de la commune de Redeyef dans le sud-ouest de la Tunisie qui marqua ensuite le début d'un mouvement de « désobéissance civile » qui dure 6 mois. Dans les tréfonds de la société En fin d'après-midi, le public a suivi à la salle El Mougar, deux longs métrages : « Andromane, de sang et de charbon » de Azralabe Alaoui. Ce dernier nous emmène à Akechmir, une province enclavée au pied de l'Atlas où vit une famille modeste de charbonniers. Le père Ouchen, arrogant et rustre, exerce le métier de charbonnier qu'il a hérité de ses ancêtres et qu'il veut léguer à son fils. Mais le destin le prive de garçon. Il décide alors de changer sa fille en garçon ; d'où d'ailleurs le titre du film « Andromane ». De prime abord, ce film a visiblement une structure confuse où l'on y trouve un métissage entre la comédie et le drame. « Andromane » est un film qui touche, marque, qui parle à l'esprit avec le plus beau des langages. Une œuvre qui possède la magie des états de grâce absolus et l'intelligence d'un propos parfaitement maîtrisé tout en gardant l'innocence du créateur enthousiaste. Azlarabe Alaoui sublime les angoisses, les cauchemars, les rancœurs ; il réalise des films de grands terrains de jeux psychanalytiques. Le dernier long métrage de cette première journée de compétition concerne « Haraga Blues » de Moussa Haddad qui raconte l'histoire de deux amis, Zine et Rayane, qui rêvent de gagner l'Espagne et qui rencontrent des difficultés. A travers ce film, le réalisateur revient avec une nouvelle ode à la jeunesse, en confiant les principaux rôles à de jeunes talents dont Karim Hamzaoui, Zakaria Ramdhane et Mouna Boualem, aux côtés d'artistes confirmés à l'instar de Bahia Rachedi, Ahmed Benaïssa et Rania Sirouti. Selon les critiques, la tragédie des haraga dévoile la face d'une partie de notre jeunesse qui nous fait mal, honte, autant qu'elle choque. « Cela renseigne sur un profond malaise », selon le réalisateur. Des luttes, des angoisses, des rêves et des ambitions y sont décrits grâce au talent avéré de ces jeunes acteurs. Pour Moussa Haddad, le souci majeur d'un réalisateur est de raconter d'une manière cohérente son histoire, et de disposer d'un bon cadre de travail. Il se dit heureux de mener cette première expérience qui est très riche et profitable. A propos de ce film, Moussa Haddad a déclaré que « cette production vise à expliquer aux nouvelles générations les évènements vécus par les haraga, dans le temps, et mettre en exergue leurs souffrances et leur lutte pour vivre dans la liberté et la dignité. »