« C'est un don que j'ai exploité depuis mon enfance », confie Mimia Lichani. C'est une artiste plasticienne née à Constantine et qui a fait l'école des beaux arts d'Alger. Une carrière riche qui a commencé dans les années 1970, au cours de laquelle elle a exposé en Algérie mais aussi à Paris, Prague, à Sofia. Rencontrée à l'occasion de son exposition intitulée « Symphonies des couleurs », organisée le 22 octobre dernier à la galerie M'hamed-Issiakhem du centre culturel El Khalifa, elle s'est montrée heureuse de la présence d'un nombreux public dont beaucoup de confrères. Sur la scène locale, Mme Lichani est très appréciée par certains de ses confrères, tout en précisant qu'elle a du mal à se frayer un chemin, car si le public s'intéresse à ses œuvres, le cercle fermé des artistes est moins réceptif à son égard. Pourtant, Mimia Lichani est une artiste de grand talent. Sa peinture est pleine de couleurs et de vie, qui contraste avec celle des autres artistes. Depuis maintenant une trentaine d'années, son art évolue et s'attache à la représentation de son monde qu'il soit perceptible ou imaginaire, du corps de la femme et de l'homme qu'elle aborde sans complexe ni tabou, ou encore ses dernières œuvres qu'elle qualifie de « fantaisistes » évoquant le Tassili où elle revisite des scènes de danse et de chasse. Sans aucune complaisance, « son travail sort du lot », comme l'a si bien précisé M. Arbaoui, ancien P/APC de Constantine. Pour cette expo où elle a présenté une quarantaine de toiles, elle n'a pas choisi de thèmes précis : « Les gestes de la vie m'inspirent, le câlin d'un enfant par exemple, les bijoux kabyles deviennent fantaisistes. Je n'ai pas voulu choisir un thème pour cette exposition parce que ces toiles retracent mon parcours, ma vie, un florilège de ma créativité et de mes techniques, de plus le public constantinois ne me connaît pas assez. » Mimia Lichani associe aussi la poésie à sa peinture, ou la grande littérature comme sa toile « Les raisins de la colère » en hommage à l'œuvre romanesque de l'auteur américain John Steinbeck. Sa passion pour la peinture est telle qu'elle décide d'ouvrir sa propre galerie à El Khroub, dès son retour à Constantine en 2007. « J'ai mis beaucoup de cœur à réaliser cette galerie, je voulais aussi ouvrir un club pour les artistes, mais ce projet est tombé à l'eau. Aujourd'hui, la galerie qui contient uniquement mes œuvres est ouverte occasionnellement. » Quant à la question de savoir si elle arrive à vivre de son art, elle a eu cette réponse : « Les Algériens n'ont pas cette culture de l'artiste, ils ne font pas de différence entre une œuvre artistique et une reproduction. Alors que partout l'art est considéré comme un trésor, chez nous, les gens ne s'intéressent pas vraiment à l'art. C'est rare qu'un artiste puisse vendre une toile à 150.000 DA, et c'est encore plus rare de voir des collectionneurs débourser des millions. Moi je ne marchande pas avec mes toiles, je tiens à elles, même si je ne vis que grâce à la pension de ma retraite. » Signalons que la salle d'exposition M'hamed-Issiakhem – rouverte il y a tout juste deux ans après sa fermeture qui a duré une quinzaine d'années – est dans un piteux état : éclairage défectueux, murs fissurés et sales, vitrines brisées, marbre tâché. Il y a même une salle qui contient des toiles d'artistes anonymes et qui sont jetées, abandonnées.