Un émerveillement particulier pour les troupes « Centre chorégraphique national de Grenoble Jean Claude Galotta » de France, « Prosxima dance compagny » de Grèce, « Phoenicia Zenobia » de Syrie et la compagnie des trois loges d'Algérie. Les personnages de la première troupe venue de France « Daphnis et Chloé » ont subjugué d'emblée l'assistance. Ces personnages aux origines enfouies sont nés d'un roman grec. Le célèbre chorégraphe, Jean Claude Gallotta, présente ce pas de trois, il en a moins retenu l'argument (Chloé, épouse du jeune berger Daphnis, enlevée par des pirates est ramenée à lui par un miracle du Dieu Pan) qu'il a travaillé le mouvement, saisi l'énergie, la douceur, la violence de la joute amoureuse. Créée initialement pour le festival d'Avignon, interprétée à l'époque par Mathilde Altaraz, Jean-Claude Gallotta et Pascal Gravat, mise en musique et jouée sur scène par Henry Torgue, cette chorégraphie émeut, par sa capacité à mêler cérébralité, animalité, humour et joie des sens. Elle reçoit alors un accueil enthousiaste de la presse. Attentif à faire vivre le répertoire du Centre chorégraphique national de Grenoble, et après la recréation d'Ulysse, devenu Cher Ulysse en 2007, Jean-Claude Gallotta a confié à trois nouveaux danseurs (Francesca Ziviani, Nicolas Diguet, Sébastien Ledig en alternance avec Alexandre Galopin) le soin de redonner vie à ce « Daphnis et Chloé » à la fois intime et libre, sensuel et ludique, sauvage et espiègle. La deuxième partie de cette compétition a été marquée par le passage de la compagnie « Prosxima » de Grèce, créée en 1996. Ses premières productions livrées par des danseurs formés au « Centre du mouvement et de la danse » se faisaient timides et discrètes, cantonnées qu'elles étaient aux seules scènes londoniennes. Aujourd'hui, la troupe compte plus de 30 productions originales, des installations et des spectacles de danse vidéo, elle a pris part à des festivals nationaux et internationaux. Les artistes ont été d'une technique et d'une synchronisation appréciables, enchaînant les scènes où la femme est au centre de toutes les épreuves, franchissant de nouveaux caps dans sa quête d'affirmation comme entité à part entière. De l'émotion La troisième partie de cette soirée est dominée par l'interprétation de la compagnie « Phoenicia Zenobia » de Syrie. Un spectacle « Insan », pour dire le drame syrien. Le spectacle relate les tragédies qu'endure la Syrie depuis deux ans, par la voix d'un simple citoyen, d'un être humain, et traduit sa vision intime des événements en cours qui ont bouleversé sa vie aux plans politique, social et humain. Le héros se présente comme un homme en guerre, interpellé par sa mémoire « Tout s'en va. Il ne restera que la mémoire. » Une vingtaine de danseurs et de danseuses, amateurs et professionnels, ont participé à ce travail qui invoque les civilisations syriennes antiques avec tout ce qu'elles représentent en art, créativité et symbolique. Une troupe qui œuvre pour la mise en valeur de l'héritage historique sur scène, dans un cadre chorégraphique moderne et en perpétuelle évolution. La troupe est dirigée par Nawress Brou, diplômé de la faculté des arts d'interprétation à Kiev, avec à son actif plusieurs spectacles dont « Juliana Doumna », « Les enfants du soleil » et « L'oiseau de cendre ». Un rendement et une performance excellents. Le public n'a pas cessé d'ovationner. Les répliques fortes de sens et pleines de métaphores, brossent un tableau noir sur la vie que mène le peuple syrien mais reflète, en même temps, son courage, sa bravoure, son éveil et son amour de la patrie. Le dernier passage de cette cinquième soirée est algérien, ponctué par la participation de l'association « Les trois loges » animé par la remarquable et talentueuse Khadidja Guemiri Habés, danseuse chorégraphe, née en 1982. Elle a reçu une formation au Ballet national notamment aux côtés du célèbre chorégraphe Slimane Habés. Elle est considérée comme l'une des meilleures danseuses contemporaines en Algérie. Elle s'est produite à travers plusieurs spectacles chorégraphiques en Algérie, Suisse, France... Elle signe sa première création en 2011 intitulée « Le bal de l'amour », sous la direction artistique de Slimane Habés, qui est actuellement son époux. Ce spectacle a clôturé le festival international du théâtre de Bejaia. Une performance plutôt qu'une représentation théâtrale. Le jeu est basé sur le langage corporel et le rapport entretenu avec l'espace scénique où se déroule et évolue l'action. A travers la grâce de Khadidja Guemiri Habés, il est question d'un vécu d'une femme, seule et veule. Elle attend l'amour qui n'existe que dans les romans à l'eau de rose. Le jeu de l'artiste revêt une symbolique tant au niveau de la forme que du contenu, car ancré dans la culture ancestrale berbère. Une tonalité tragique puisée dans le terroir algérien où l'oralité, à travers les chants et le luth, se révèle également. La pièce suscite une émotion universelle car elle pose avant tout la question bien plus large du comportement humain ; ses médiocrités et ses petites lâchetés, et surtout le rapport à l'autre et l'étrange dépendance qui en découle.