Pièce chorégraphique qui marie danse sensuelle, texte susurré et musique frénétique. «Je suis en terre «Mammame». Un mot inventé. On peut dire que les Mammame sont des enfants isolés dans le théâtre. Ils ont grandi isolés du monde, alors qu'il sont obligés de s'imaginer un moyen pour communiquer. Un monde fait d'impressions et d'émotion. Les Mammame sont très joueurs parce qu'ils ont gardé l'innocence de l'enfance. Le plus simple c'est de vous laisser aller à retrouver cette innocence», déclare en short sur scène le chorégraphe et directeur artistique du centre chorégraphique national de Grenoble, Jean-Claude Gallotta. Et le spectacle peut enfin commencer. Surgissent les neuf danseurs de la compagnie Emile Dubois. Les corps sculptés par tant d'années de danse contemporaine et assurément classique éclatent dans tous les sens, s'affrontent et s'entrecroisent dans un déchaînement névrotique. Les corps volent dans les airs, se tordent ou se contorsionnent. Le mouvement est aussi cela: expression de sentiment et d'émotion. De tendresse et de douleur. Les «Mammames» «refont» l'apprentissage de la vie, non sans heurts et déchirures. Il ne faut pas chercher derrière les pas une histoire à sonder, automatiquement, mais à ressentir l'impulsion des «tracés» soulignés à chaque cri, chuchotement ou souffle. Et le chorégraphe Gallotta n'est pas loin pour orienter ses élèves vers la perfection. Posté derrière le micro tout le temps en main, il ne fait pas seulement que diriger mais il chante des couplets comme s'ils étaient ancrés à tout jamais dans sa mémoire. L'imaginaire créatif de ce professeur qui sort du commun, tisse un réel fantastique car décousu, «psychiatrique». Le rapport humain soutenu par cette musique stridente, chaotique, est charnel, parfois cruel, brut. Glissement sur le sol ou saut dans les airs, la tribu des «Mammames» se cherche dans un démêlé infini de danse et d'acrobatie. Le choc des corps crée des étincelles. Leur étreinte est une complainte, tendrement poétique, la force vitale qu'est l'amour. Décliné en solo, en duo ou en trio, le spectacle s'illustre par une variante de figures. «Dès ses débuts, sa compagnie, le groupe Emile Dubois, a fondé son originalité, sa pratique et son éthique sur cette idée que la danse peut naître de tout, et partout, à partir de n'importe quel silence, de n'importe quel lieu, de n'importe quel corps, fut-il non danseur», écrit Claude-Henri Buffard. Aussi, toute parcelle du corps est sujette à création artistique. Tout s'élève et se pame à la faveur d'une musique ou d'un simple jaillissement de son... Danse révélatrice d'un univers profondément métaphysique et qui réveille incontestablement nos sens, c'est un spectacle à la fois drôle et pourvu d'un grand dynamisme auquel nous a conviés mercredi et jeudi dernier à la salle Ibn Khaldoun, l'établissement Arts et culture de la wilaya d'Alger en collaboration avec le Centre culturel français. Truculent aussi et très agréable à regarder...