Ce n'est nullement un hasard si la ville de Boufarik est réputée par la boisson “charbet”. La consommation de ce jus à base d'eau, de citron, de sucre, d'arome de fleur d'oranger, de quelques cuillerées de lait et d'une autre matière dont la nature est tenue secrète par certaines familles qui détiennent le label, revient à l'ère des Ottomans. À Boufarik comme à Blida quelques familles préparent toujours cette boisson traditionnelle pour la servir aux invités. Même si le marché offre aujourd'hui plusieurs marques de poudre destinée à la préparation de la boisson, il n'en demeure pas moins que les gens de la Mitidja tiennent toujours à perpétuer la tradition surtout en automne lorsque les fleurs d'orangers éclorent. Alors les familles commencent la cueillette pour préparer l'extrait d'oranger. Un liquide qui reste indispensable pour la préparation de la “Charbet” traditionnelle. Jadis, avant l'irruption des boissons gazeuses, la “Charbet” était omniprésente dans toutes les maisons de la Mitidja, elle était la boisson favorite servie lors des fêtes familiales. Et jusqu'à nos jours, certaines familles la servent toujours à leurs invités. Il parait que le fameux nectar a le même effet que la madeleine de Marcel Proust : il vous fait défiler les tendres souvenirs de votre enfance. «Il est vrai qu'avec les produits chimiques on prépare la “Charbet” en un tour de main, mais il n'y a pas mieux que d'étancher sa soif avec une Charbet naturelle », estime khalti Z'hor qui dit garder toujours en elle depuis toute petite l'odeur du fameux nectar. A Boufarik deux familles (les Kitchah et les Aït Ali) se disputent la première place de vente de “charbet”. Contrairement à ce qui est rapporté, ce n'est pas un certain Rabah Iblis qui règne sur sa préparation et sa vente. Celui-ci n'est que le propriétaire des deux magasins où se commercialise la boisson grâce à une association avec Boualem Kitchah le détenteur de la formule “charbet” qui lui aussi occupe un magasin situé dans la fameuse zenket Laâreb. Là, les gens s'agglutinent et se disputent parfois à coups de coudes pour arracher un ou deux litres servis dans des sachets spécialement faits pour les produits alimentaires. Devant le magasin, on trouve aussi des commerçants venus s'approvisionner. « Je suis venu d'El-Harrach. J'achète quotidiennement une certaine quantité pour la revendre. A une heure du f'tour toute la marchandise est écoulée», explique un revendeur en train de charger une centaine de litres dans sa camionnette. Mais il n'y a pas que lui. Des centaines de jeunes algérois débarquent chaque jour dans l'après midi à Boufarik pour acheter la “Charbet”. « Je viens quatre jours par semaine à Boufarik. Je joins l'utile à l'agréable en achetant «charbet et zalabia», indique Nassim, un jeune garçon de Belouizdad accompagné de ses trois amis. A Boufarik si la “Zalabia” reste le « monopole » de la famille Aksil, la “Charbet” est une affaire de deux familles, les Kitchah et les Aït Ali. Il paraît qu'elles sont les seules à en détenir la vraie formule. « Cette boisson, ne peut être industrialisée car elle perdra tout son goût. D'ailleurs, un industriel très connu dans la région de la Mitija n'a pas réussi à le faire », explique Yacine, un Boufarikois de 53 ans.