C'est par le schéma d'un iceberg que le centre de dépistage du sida sis à Belouizdad définit la maladie en Algérie : « La partie visible, ce sont tous les chiffres qu'on nous livre chaque année mais c'est la partie immergée et invisible qui est la plus importante, elle représente cette population vulnérable, telle que les professionnels du sexe, les toxicomanes, les étudiants, les prisonniers et les immigrés subsahariens », explique le docteur Aïssi, spécialiste des maladies infectieuses et responsable du centre de dépistage VIH-Sida-IST d'Alger. Pourquoi un iceberg ? « Il est très difficile de quantifier ou même d'aborder l'impact du sida quand on sait que les travailleuses et les travailleurs du sexe sont de plus en plus jeunes. La dégradation de leurs conditions de vie dans la société s'amplifie avec le phénomène de l'exode rural. Ces jeunes filles et ces jeunes hommes subissent des pratiques dangereuses et n'en mesurent pas l'impact sur l'épidémie », précise le Dr Aïssi. Car, selon elle, reconnaître cette maladie, c'est admettre les relations hors mariage, la prostitution, l'homosexualité masculine. « Mais la réalité sociale est là, nul ne peut la nier. La forte stigmatisation dont font l'objet les homosexuels les contraint à la clandestinité. Ceci gêne considérablement les efforts menés pour endiguer la propagation du sida parmi ces personnes », signale-t-elle. Ainsi, sur 30 HSH (homme ayant relation avec homme) dépistés au centre, trois étaient porteurs du VIH. Sentence : « La problématique du VIH sida et par conséquent du dépistage dépasse de loin le cadre médical ou de la santé, là où on voudrait la confiner, c'est surtout un problème de société et de développement », rappelle-t-elle. Travailler sur la problématique du sida et des maladies sexuellement transmissibles (MST) en Algérie, c'est s'attaquer de fait à d'innombrables questions que la société a du mal à affronter. Le constat du Dr Aïssi est plutôt alarmant. « Si l'on ne fait rien, l'épidémie s'étendra », prévient-elle. Selon les dernières statistiques de l'Institut Pasteur, 1.395 cas de sida et 6.303 séropositifs sont enregistrés à la période allant de 1985 jusqu'au 31 mars 2013. L'épidémie fait déjà d'énormes dégâts. Aujourd'hui, il y a presque autant de femmes que d'hommes porteurs du virus. Pourtant, il est possible de faire un test de dépistage 15 jours après une prise de risque. Et si le résultat est positif, une prise en charge médicale est assurée immédiatement. En cas de test négatif, un second contrôle sera pratiqué 6 à 8 semaines après la prise de risque pour un résultat fiable et définitif. En outre, des centres de dépistage VIH-Sida-IST existent dans chaque wilaya. « Dans ces centres, vous n'avez pas besoin d'ordonnance, le test est anonyme et gratuit et dans la plupart des cas, il n'est pas nécessaire de prendre un rendez-vous », explique la responsable. Les personnes vivant avec la maladie sont prises en charge sur le plan médical et psychologique, qu'elles soient algériennes ou migrants.