Nul n'a oublié, ici à Oran, les actions de protestation des personnes séropositives, contraintes à manifester dans la rue pour dénoncer “la pénurie de trop” des antirétroviraux indispensables à leur survie. Il y a quelque 750 personnes, hommes femmes et enfants au niveau de l'Ouest, à suivre le traitement de la trithérapie. Suite à ces actions qui se sont déroulées il y a quelques semaines à peine, en plein débat sur les pénuries de médicaments qui touchent l'Algérie, deux plaintes contre X ont été déposées pour “non-assistance à personne en danger”. Plaintes qui, par ailleurs, vont être revues à la demande du procureur, car devant viser des personnes ou des entités concernées, avons-nous appris auprès de l'Association de protection contre le sida (APCS). Cette association, qui existe depuis 1998, a fondé son action tant sur le plan de l'information, de l'éducation que de la prévention, en se plaçant surtout aux côtés des malades dans leur prise en charge psycho-sociale, et son président, le professeur Tadjeddine de s'expliquer sur la démarche : “Nous ne pouvons pas laisser brimer les plus fragiles. Si nous sommes témoins de discriminations, de stigmatisations envers des personnes du fait simplement de leur séropositivité, nous le dénoncerons, il y a des valeurs que nous devons défendre.” Aujourd'hui, et alors que l'action des malades d'Oran a ébranlé toute la chaîne du secteur de la santé, jusqu'en haut lieu, l' APCS, composée de médecins, de psychologues et de jeunes volontaires, entend mobiliser l'ensemble de la société face au tournant épidémiologique du sida en Algérie. En effet, si la prévalence de l'épidémie du VIH dans notre pays a été contenue autour de 0,1%, dans les populations à risque, c'est à dire les homosexuels et les travailleurs du sexe, cette prévalence est de 4%. Sans vouloir verser dans l'alarmisme ou justement la stigmatisation, la bataille contre le sida dans notre pays passe ainsi par la fin des tabous et des non-dits en évoquant la prostitution clandestine et l'homosexualité. D'ailleurs, des imams, convaincus de la “nécessité d'agir sans juger”, s'impliquent dans le travail d'information et de prévention avec l'association. À partir d'études menées à l'échelle nationale auprès des populations vulnérables et à risques, et à partir des données récoltées au niveau du centre de dépistage, il apparaît que souvent les homosexuels ont des rapports avec les deux sexes et certains sont même mariés. L'homosexualité étant cachée dans bien des cas. Ainsi, ces comportements à risques, aggravés par la méconnaissance de l'utilisation des préservatifs comme moyens de protection, ont des conséquences, comme nous le confirme le professeur Tadjeddine : “Aujourd'hui, en effet, l'épidémie du sida en Algérie est concentrée dans les populations à risques ou vulnérables, mais dans les années à venir, l'épidémie va s'étendre aux autres groupes de la société si l'on n'agit pas, s'il n'y a pas une prise de conscience générale.” Dans quelques semaines, une rencontre va se tenir à Oran sur le thème “VIH : vulnérabilités, qualité de prise en charge” et permettra d'aborder ces questions et celles relatives à la nécessaire restructuration de la politique nationale du médicament.