Dans une librairie à Hadjout, une aile, certes exiguë, est dédiée entièrement au livre. On y trouve quasiment de tout. Des annales traitant de la science, de technologies et de biologie, en passant par les livres de la littérature et des langues jusqu'à ceux d'histoire et de religion, l'embarras du choix est garanti. « Certes, il suffit actuellement d'un seul clic sur la souris du PC pour avoir accès à toutes les informations et les documents dont on a besoin. Seulement, ce réflexe, qui vous fait gagner du temps mais surtout de l'argent, ne peut réduire la place du livre qui est à mon sens indispensable » affirme Amine, un étudiant en dernière année en chirurgie dentaire, rencontré dans la librairie, à l'affût de nouveautés dans le rayon médecine. Youcef, qui a commandé, une semaine auparavant, la série en français des chroniques de Tabari, est heureux de l'avoir enfin entre les mains. « Bien que critiqué par certains, du moins la traduction de ses livres, Tabari demeure à nos jours une référence et un chroniqueur dont les travaux me servent souvent à démêler le bon grain de l'ivraie des histoires rapportées par certains pseudo-prédicateurs qui font du dénigrement des autres leur spécialité » explique-t-il. Pour lui, la lecture est une passion qui a encore de beaux jours devant elle en Algérie. « C'est mentir que de dire que les Algériens ne lisent pas. Et pour cause, la majorité de nous sait lire et écrire, ce qui n'était pas le cas à l'indépendance. Un autre indice : à chaque fois qu'on organise à Alger un salon du livre, on s'y bouscule et on y vient des quatre coins du pays. Et la cerise sur le gâteau est que les Algériens sont consommateurs de tous les genres et types de livres » analyse-t-il. Lire en fête Comme pour confirmer ce constat à contre courant du pessimisme ambiant, le libraire confie que sa clientèle se compose de toutes les catégories de la société. « Les personnes âgées sont plus portées sur les livres d'histoire, les jeunes, filles et garçons, sur tout ce qui a trait aux études, aux histoires romantiques. La tranche entre 35 et 65 ans est plutôt intéressée par les œuvres classiques, politiques et économiques, tandis que les livres de recettes de cuisine ont une belle cote chez les femmes au foyer et même parmi certains hommes » classe-t-il. Pour Souhila, une jeune fonctionnaire de la wilaya, on ne peut pas forcer quelqu'un à aimer le livre. C'est une histoire d'amour qu'on entretient depuis l'enfance. « Même si je suis fasciné par l'Internet et les réseaux sociaux, rien ne peut remplacer ma bibliothèque. Je ne peux pas dormir si je ne feuillette pas un livre. C'est une belle habitude que je traîne depuis mes six ans et je ne crois pas que je vais changer » avoue-t-elle. En parlant d'enfants, il faut savoir qu'à Tipasa, la direction de la culture organise, durant la saison estivale, un festival intitulé « Lire en fête ». D'année en année, ce rendez-vous enregistre un engouement formidable. « L'été passé et en fin d'après-midi, j'emmenait mes deux enfants au festival pour participer aux ateliers qui y étaient organisés. Je ne regrette pas, car c'était pour eux une occasion pour découvrir les bienfaits du livre. Ce qui est aussi plus beau, c'est le nombre important d'enfants qu'on y croisait. C'est un gage encourageant pour l'avenir de la lecture dans notre pays » s'enthousiaste Sid Ali de Tipasa. À la bibliothèque du complexe culturel Abdelwahab Salim de Chenoua, une annexe de l'ONCI, l'ambiance était au calme ce samedi. La vue de quelques jeunes absorbés par la lecture impose, comme par télépathie, le silence à tous ceux qui franchissent le seuil de la porte. Se qualifiant humoristiquement de rat de bibliothèque, Omar, un jeune lycéen de Tipasa, préfère passer son temps libre ici. « Je ne vois pas d'autres lieux où m'amuser. Ici je suis entouré par de bons amis. C'est l'antre idéal pour se cultiver » confie-t-il. Comme lui, deux lycéennes en deuxième année secondaire ont profité des vacances d'été pour se consacrer à leur passion. « Durant le reste de l'année scolaire, on est absorbé par les révisions à la maison. Ce n'est que durant les vacances que je profite un max de livres. Mes préférés sont les romans policiers. Je ne peux pas m'en lasser » avoue l'une d'elle. L'autre, en revanche, essaye a priori de joindre l'utile à l'agréable. « Notre enseignante de langue arabe nous a demandé de réaliser un exposé sur l'une des fables de Kalila Wa Dhimna. Pour moi, c'est comme si on réussissait d'une pierre deux coups. Au même moment où j'accomplis ce devoir, je me fait plaisir en m'adonnant à la lecture » confie-t-elle. « On a souvent pronostiqué qu'avec l'arrivée de l'Internet, le livre perdrait sa place parmi les lecteurs. Finalement c'est faux. C'est comme l'histoire de la télévision et de la radio. En revanche, soutenir que tous les citoyens lisent est une utopie. Cependant, occulter le fait qu'un bon nombre d'entre eux trouvent refuge dans les pages des livres est une erreur. Après tout, on est plus au moins pareils aux citoyens des autres pays » conclut Boudjemaâ, un cadre de l'Education nationale.