Qui a dit que les Alg�riens boudaient les livres ? A Alger, les librairies foisonnent, renaissant de leurs cendres apr�s des ann�es de l�thargie. Un ex-fastfood, un ex-magasin de chaussures ou de tapis, et c�est tous les amoureux des livres qui applaudissent en ch�ur. La nourriture de l�esprit est la plus forte. Et malgr� le prix qui reste toujours �lev�, on n�h�site pas � rogner le budget alimentaire ou vestimentaire pour s�offrir le dernier roman de Ma�ssa Bey, Mark Henri Lecry, Yasmina Khadra, Danielle Steel ou Barbara Wood. Les jeunes renouent avec la lecture Lisez-moi, lisez-moi, lisez-moi ! nous supplient tous ces beaux livres rang�s sur les rayons et sur les tourniquets. Inutile d�insister aupr�s des accros de lecture. Ils savent trouver le chemin des lettres. A la librairie des Beaux-Arts (rue Didouche-Mourad), une jeune fille pousse la porte et s��crie : �Avez-vous des romans de Danielle Steel ?� �Mais oui, mais oui, vous avez un large choix � l��tage !� r�pond Malika Sadeg, la libraire. �A chacun son go�t�, confie-t-elle. �G�n�ralement, les jeunes filles fleurs bleues, f�rues de romans � l�eau de rose, craquent pour les romans de Danielle Steel et Barbara Wood. Lorsque ce n�est pas elles qui les ach�tent, elles se les font offrir par leur petit fianc� (rires). On a aussi remarqu� que les jeunes dont l��ge oscille entre 15 et 25 ans lisent de plus en plus. Les thrillers genre Stephen King sont leur dada. Par ailleurs, un nouveau ph�nom�ne appara�t. On voit de plus en plus de jeunes mamans entra�nant leurs enfants, m�me tout petits, dans les librairies pour leur insuffler le go�t de la lecture. Les �l�ves scolaris�s dans les �coles priv�es arrivent aussi en masse avec des listes interminables d�ouvrages inscrits � leur programme (Racine, Hom�re, Moli�re�). Quant aux livres d�art qui co�tent les yeux de la t�te, ils int�ressent particuli�rement les immigr�s, les touristes ou les chefs d�entreprise qui en acqui�rent pour les offrir en guise de cadeaux � leurs homologues �trangers. � Et de conclure �Une chose est s�re, l�achat d�un livre reste avant tout un probl�me de mentalit�. Certaines personnes n�h�siteraient pas � flamber 4 000 DA dans un fast-food, mais feront la fine bouche lorsqu�il s�agit de d�bourser 500 DA pour un roman !� Les auteurs alg�riens pl�biscit�s Socrate est une nouvelle librairie qui a ouvert ses portes en juin dernier (� c�t� du cin�ma ex-ABC). Elle est tenue par Mohamed Bafdel, ancien cadre � l�Enal et ex-libraire � la librairie Ibn-Khaldoun. �Il y a un moment dans la vie o� il faut voler de ses propres ailes et lorsqu�on a la passion des livres qui coule dans nos veines, on ne peut y �chapper�, nous confie-t-il avec un large sourire. Pour inciter les jeunes � lire, Mohamed a eu une id�e g�niale. �J�ai constitu� une petite biblioth�que avec mes romans personnels et instaur� un syst�me de pr�t contre une somme symbolique�. Et de constater : �Les Alg�riens sont avides des derni�res publications. Par ailleurs, ils adorent les ouvrages li�s � l�histoire de l�Alg�rie. Quant aux auteurs alg�riens, ils sont pl�biscit�s. Ainsi, les romans de Yasmina Khadra, Abderahmane Zakad, Ma�ssa Bey, Djamel Mati, Anouar Benmalek, Mustapha Benfodil, Adlane Meddi, pour ne citer que ceux-l�, ont le vent en poupe. A noter que les nouvelles plumes sont �galement appr�ci�es. Et malgr� l�inflation et la chert� de la vie, les gens n�h�sitent pas � casser leur tirelire pour repartir avec leur roman pr�f�r� sous le bras. Une librairie c�est mieux qu'une pizzeria ! Les librairies fleurissent un peu partout dans la capitale. Les Mots, cet ex-magasin de chaussures pr�s de la rue Victor-Hugo, est bien achaland�. Lors de notre passage, plusieurs clients venaient s�enqu�rir de la disponibilit� des derniers romans de Yasmina Khadra et de Nina Bouraoui. �Il faut encore patienter�, leur lance Wardia la libraire. Au bout d�une ann�e de pr�sence dans cet espace de lettres et de savoir, cette dame a eu le temps de prendre la temp�rature. �Les gens sont assoiff�s de lecture. En d�couvrant ce lieu, ils �taient nombreux � s�exclamer : �Enfin une nouvelle librairie et non une pizzeria !� Et malgr� l'�rosion du pouvoir d'achat, ils sont pr�ts � tous les sacrifices pour acheter leur roman pr�f�r�. Les parents encouragent leurs enfants � lire m�me si le premier r�flexe de ces derniers est de se ruer directement sur le rayon des BD : ( C�drix, Tintin, Ast�rix: 1 080 DA) ou des Mangas (entre 780 et 1 200 DA). Et de poursuivre : �Des gens parcourent des centaines de kilom�tres pour acheter des livres � Alger. R�cemment, une famille est venue sp�cialement de Jijel et est repartie la malle pleine d�ouvrages en tous genres. Reste � d�plorer le d�calage enregistr� pour la r�ception de certains livres par rapport � leur sortie en Europe, entra�nant la frustration de nos lecteurs. Ce fut notamment le cas pour le livre de Cecilia Sarkosy, re�u une ann�e apr�s sa publication en France. Le livre parascolaire en force En cette rentr�e scolaire, les rayons des livres parascolaires sont litt�ralement assi�g�s. Vendus entre 150 et 400 DA, ils restent � la port�e des bourses moyennes. �Je viens acheter les annales des mati�res scientifiques pour ma fille qui se pr�sentera � l�examen du brevet cette ann�e�, nous r�v�le une dame rencontr�e sur les lieux. Nous y avons aussi crois� les inconditionnels de polars et de romans policiers, comme ce jeune homme fan des histoires rocambolesques d'Agatha Christie. Quant � ce monsieur, la soixantaine, il jettera son d�volu sur le dernier roman de Marck Levy Toutes ces choses qu�on ne s�est pas dites. Les librairies reprennent du poil de la b�te. Ce sont des espaces o� se tissent des liens et o� s��changent les pens�es. �Certains fid�les clients nous pr�tent m�me des romans � lire�, nous dira Wardia. Preuve que les librairies sont les t�moins privil�gi�s de relations conviviales dont le d�nominateur commun demeure l�amour de la lecture.