Les Libanais ont fait, hier, leur adieu à Mohammad Chatah, 62 ans, un des « cerveaux » de la coalition du 14 Mars, hostile au régime syrien et au Hezbollah. Assassiné vendredi dernier dans un attentat à la voiture piégée, l'ex-ministre des Finances et symbole de la modération, a été inhumé sous haute sécurité dans un mausolée adjacent à la mosquée et où est enterré l'ex-premier ministre Rafic Hariri, assassiné en 2005, lui aussi, dans un attentat à la voiture piégée. Cet assassinat, le 9e depuis 2005, exacerbe la division au pays du Cèdre. Et, entre les partisans et les détracteurs du régime syrien et entre les chiites menés par le Hezbollah et les sunnites représentés par l'ex-Premier ministre Saâd Hariri. Il a aussi ravivé la crainte d'une reprise des assassinats ciblés. « Hezbollah terroriste ! », ont scandé ceux qui ont assisté à ses funérailles. « Nous avons décidé de libérer le pays de l'occupation des armes illégitimes », déclare Fouad Siniora. Et de poursuivre : « Nous ne baisserons pas les bras et nous ne craignons pas les meurtriers ». L'ancien Premier ministre assure que le 14 Mars s'attache toujours au pacte national et au vivre-ensemble. « Nous refusons le terrorisme et la violence et nous ne détruirons pas le Liban comme ils le font », dit-il avant de s'engager à faire du Liban « une scène de liberté et de réconciliation ». Samedi, l'ex-Premier ministre a tenu un discours plus conciliant. « Le dialogue, malgré ces derniers résultats décevants et le terrorisme qui a régné récemment, est la seule solution », dit-il, appelant à la formation d'un cabinet qui exclut les camps politiques rivaux. L'alliance du 14 Mars, qui accuse le Hezbollah d'être derrière les assassinats de personnalités anti-Assad depuis 2005 et d'entraîner le Liban dans la tourmente de la guerre en Syrie, a haussé le ton en réclamant la formation d'un gouvernement sans la participation du mouvement chiite. Pointé du doigt, le mouvement chiite, qui a dénoncé le meurtre, nie toute implication. « Ce crime ignoble s'inscrit dans le cadre de la série de crimes et d'attentats qui visent à détruire le pays », indique le mouvement chiite dans un communiqué. « C'est une tentative répugnante de porter atteinte à la stabilité et à l'unité nationales, qui ne profite qu'aux ennemis du Liban », poursuit le communiqué. « Attendons que la police ait analysé les caméras de surveillance, qui ont dû filmer l'arrivée et le départ des assassins. C'est avec des arguments modérés qu'on doit défendre l'homme de la modération », déclare, à la télévision, Hikmat Dib, un cadre du Hezbollah. Selon certaines analystes, la réponse à cet assassinat, qui interpelle par son timing et son mode opératoire, pourrait se trouver dans l'agenda de Beyrouth : outre l'ouverture dans trois semaines du procès des assassins de Rafic Hariri, il y a les élections législatives, prévues en juin, qui ont été reportées, le mandat du président Michel Sleimane qui s'achève le 25 mai 2014 sans que se profile clairement sa succession – ou la prorogation de son mandat – et la menace d'Israël de durcir les représailles contre le Liban en cas de nouveaux tirs de projectiles dans des zones inhabitées qui ne font ni victime ni dégâts. Selon d'autres, il annonce l'entrée du Liban dans l'engrenage du conflit syrien.