Les forces irakiennes préparent une « attaque majeure » pour reprendre Fallouja et Ramadi, deux villes sunnites tombées aux mains des terroristes liés à al-Qaïda. Les Etats-Unis, qui jugent « très dangereux » ces derniers, promettent aux autorités leur soutien, mais à distance. « Nous ne céderons pas tant que nous n'aurons pas vaincu tous les groupes terroristes et sauvé notre peuple », déclare Nouri al-Maliki, après le coup de force d'un groupe lié à al-Qaïda et de combattants tribaux hostiles au gouvernement : s'emparer de Fallouja et de Ramadi, deux villes sunnites à 60 et 100 km de Bagdad. Une première depuis l'insurrection qui a suivi l'invasion américaine en 2003 et dont les deux villes ont été des bastions. Comme pour donner une suite à son engagement, il met les forces de sécurité en alerte rouge. Elles attendent désormais un ordre pour foncer sur les combattants de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), une déclinaison locale d'al-Qaïda) et les insurgés des tribus hostiles au gouvernement qui ont fait pour les seules journées de vendredi et samedi, plus de 160 morts. Prévenantes, les forces spéciales ont demandé, hier matin, aux « civils » de quitter ces deux villes. « Nous demandons aux habitants de Ramadi et de Falloudja de s'éloigner le plus possible des positions des insurgés que nous allons frapper dans les prochaines heures », déclare Samir al Chouiali, conseiller de presse du chef des unités antiterroristes. Et de préciser que l'armée a limité jusqu'ici ses frappes pour éviter de toucher la population civile. Les Etats-Unis jugent la situation « très dangereuse ». « Nous sommes très préoccupés par la montée en puissance de l'EIIL en Irak », admet, depuis al Qods, John Kerry, le secrétaire d'Etat américain. « Ce sont les acteurs les plus dangereux dans la région », dit-il. Après s'être engagé dans la guerre contre le président Bachar al Assad en Syrie, ils ont accentué ces derniers mois leur influence dans la province d'Anbar, dans l'ouest de l'Irak. Objectif : créer un vaste Etat sunnite dans la région. Kerry promet aux Irakiens le soutien de son pays mais à distance. « Il revient aux forces irakiennes de mener la bataille », dit-il, promettant aussi un soutien « par tous les moyens possibles » aux chefs tribaux qui se sont déclarés en révolte contre l'EIIL. Dans la province d'Al-Anbar, dont Ramadi est le chef-lieu, quatre forces sont en présence : les forces de sécurité et leurs alliés tribaux baptisés Sahwa (Réveil), l'EIIL qui « a réussi à tirer profit de ses réseaux pour renforcer ses positions », dixit Daniel Byman, un expert au Brookings Institution's Saban Center for Middle East Policy, et les forces anti-gouvernementales sunnites qui reprochent au gouvernement Maliki de les considérer comme des citoyens de seconde zone. Les extrémistes d'al-Qaïda qui ont été délogés de Ramadi et Fallouja par les troupes américaines et leurs alliés, en 2007-2008, réussiront-ils à « résister » dans ces deux bastions sunnites, de surcroît en proie à une nouvelle insurrection, dirigée contre le pouvoir du Premier ministre chiite, accusé de tous les maux dont celui de marginaliser les minorités et d'accaparer le pouvoir ? Concentrés jusque-là dans des zones rurales et désertiques, les affidés de la nébuleuse terroriste ambitionnent maintenant de planter leur drapeau noir et de proclamer l'instauration d'un émirat islamique transnational, à cheval sur le Liban, la Syrie et l'Irak. A Bagdad, certains se demandent déjà comment finira cette colère sunnite.