On le savait malade depuis longtemps. Le directeur du Théâtre national algérien et célèbre dramaturge s'était éloigné de la gestion de cette bâtisse où il avait connu tant de bonheur et parfois des déboires. Au début de l'année, il n'avait pu se déplacer à Tizi Ouzou où un hommage lui avait été rendu. Né à Hussein-Dey, il avait étudié à l'institut Ben Badis de Constantine où il débarque en 1954. C'est de cette période que date sa maîtrise parfaite de la langue arabe, son admiration pour Tewfik El Hakim dans un milieu où beaucoup écrivaient en français. L'homme ne connaissait pas seulement ses classiques ; il était aussi imprégné de culture populaire. Par un vers, une maxime du terroir, il savait emporter l'adhésion. L'homme à la voix de stentor et à la chevelure blanche a connu la période de gloire du théâtre algérien. Comme comédien, il fut distribué dans beaucoup de pièces produites par le TNA qu'il avait rejoint en 1966. Sur scène, il a donné la réplique à tous les comédiens qui firent les beaux jours du théâtre, côtoyant Hamid Remmas, Mustapha Kateb, Rouiched, Tadjer... On se souvient de ses rôles dans « Galou Laârab Galou » ou dans « Les martyrs reviennent cette semaine ». Il ne se contentait pas d'interpréter des rôles divers, même s'il excellait surtout dans ceux de monarque ou de personnage de cour. Il écrivait beaucoup. Il est auteur d'une quinzaine de pièces comme « Djeha et les gens » (1980), « Arrêt fixe » (1995) « Fatma » (1998) et « Tamrine ». Il avait surtout le don de l'adaptation en arabe, s'intéressant à des auteurs comme Kateb Yacine ou Azziz Chouak, dont il fit du roman « Baya » une succulente version en arabe populaire. Après les événements d'Octobre 88 et l'avènement de l'expression libre qui a soufflé sur le monde artistique, il fonde, en 1990, avec le dramaturge Ziani Chérif Ayad, Sonia et Medjoubi, la compagnie « Masrah El Kalâa » (Théâtre de la Citadelle). Il était alors, en matière et d'écriture et de jeu, en pleine phase ascendante. Il fut éblouissant dans « El Ayta » qui remporta un vif succès et le grand prix des journées théâtrales de Carthage. Cette distinction fut attribuée deux ans auparavant aux « Martyrs reviennent cette semaine », d'après une nouvelle de Tahar Ouettar. Les productions du quatuor séduisent dans plusieurs pièces notamment à la salle El Mouggar et en tournée dans plusieurs villes, faute de pouvoir jouer au TNA. Il reviendra, à partir de 2003, à « la maison mère ». La parenthèse d'un exil fécond, où il travailla beaucoup avec Ziani en mettant en scène plusieurs pièces, s'était refermée. Il continua d'écrire, de scruter sa société, s'attachant surtout d'assurer une relève à un théâtre qui avait besoin de sang neuf. Des Journées du théâtre du sud, une manifestation qui offre, depuis sa création en 2007, un espace d'expression à des comédiens, auteurs et metteurs en scène des régions du sud de l'Algérie (Tamanrasset, Adrar, Ouargla, ...). Le théâtre algérien perd en M'hamed Benguettaf un talent qui a toujours enrichi la dramaturgie par ses textes et la scène par son jeu.