L'art du «Melhoun» est vécut en «Maghreb» comme source de vie culturelle de toute la société maghrébine. Il tient lieu d'un indéfectible lien unissant les peuples de la région. Un phénomène de société sans frontière qui nous parvient des fins fonds de la mémoire collective. Une des contraintes des grands poètes du «Melhoun» c'est qu'il doit idéalement assurer l'équilibre entre les thèmes populaires et les registres savants ; d'abord en puisant dans les legs de la mémoire collective, ensuite en acceptant la complexité poétique et en utilisant tous les éléments d'une rhétorique et d'un imaginaire séculaire. Tous les professionnels s'accordent à dire que le «Melhoun» est une poésie destinée à être chantée et donc à être habillé en musique, c'est une mise immédiate en mélodie. Le «Melhoun» apparaît comme une variante, une inflexion des règles classiques et un jeu délibéré des poètes. D'ailleurs certains poètes du genre écrivent dans les deux registres de la poésie classique et du «Melhoun». En plongeant profondément dans les racines de cette vaste mosaïque de la prose populaire, nous retrouvons les grands maîtres et élèves ayant contribué à l'essor lyrique de ce magnifique genre musical, il s'agit d'artistes de la trempe de Mohamed Benslimane el Fassi et Sidi Thami Lamdaghri (connu pour avoir écrit et composé Al-Gnawi et Aliq Al-Masrūh), le Sultan Moulay Hafid, Sidi Kaddour El Alami, Jilali Mtired et bien d'autres. La créativité est, en effet, considérée comme une inspiration, une révélation. Mohamed Ben Ali Bou'mar disait en 1519 : «Notre «Melhoun» est une lampe éclairant le noir et ne manque à aucune demeure». Ben Slimane El Fassi est un auteur majeur du melhoun, il y vécut de la fin du XVIIIe au début du XIXe siècle. Mort prématurément à l'âge de 33 ans, il laisse en legs près de 90 textes parmi lesquels on retrouve Khedidja goumri et lebroudj , Aâtouch, Erraâd (Ya sah' zarni mahboubi ames kount sayem), Saki Baki, ezzine el Fassi, Mersoul Fatma, Ya taleb... El Ghorri est une pièce musicale qui fait partie des «ouisayates» ou «mouachahates» (textes satiriques) qui abordent des sujets sociaux et pour ce qui nous intéresse dans ce blog, il décrit l'amitié. Mohamed Benslimane, poète bouillonnant et rebelle, a écrit sur les cercles des poètes du «melhoun» qu'il côtoyait et à qui il imposa crainte et respect.