El melhoun, cette poésie lyrique véhiculée par les medahine et conteurs a pris pied dans le Maghreb pour enfin devenir une incontournable forme littéraire rebelle ne respectant pas la structure grammaticale classique de la qaçida. Cette chanson populaire arabe du Maghreb emprunte ses modes à la musique andalouse, en les simplifiant. La qaçida a cependant conservé la division du texte en strophes comme dans le chant andalou : le couplet (ghson : branche ou rameau) peut comprendre de huit à seize vers, un court refrain (harba : lance) offre une alternance qui permet de rompre la monotonie du discours musical du chant. Beaucoup confondent le melhoun et le wahrani qui diffère pourtant par la finesse musicale. On considère que le premier à s'être consacré à cet art fut le Cheikh Abd el-Aziz el-Maghraoui, qui a désigné le pied métrique sous le terme de «Dân», il est devenu le modèle suivi par les poètes maghrébins dans leurs compositions. Est apparu après lui le poète el-Masmûdi, qui a, lui, adopté le mot «Mîli» pour désigner le pied, ce terme ne voulait absolument rien dire mais est tout de même devenu lui aussi un modèle. Les rythmes sont au nombre de trois : Le haddari, le dridka et le goubahi. Cette musique habitait le cœur de personnes, des amateurs et des créateurs, issues des catégories sociales les plus diverses. Sous l'impulsion des musiciens professionnels et de l'élite cultivée, il a continué à jaillir du plus profond de la société maghrébine. L'art du melhoun est la voix qui a exprimé les préoccupations des Marocains, leurs croyances et leurs émotions. Il représente la sédimentation de la mémoire marocaine à travers les âges. Il est relié à la vie quotidienne des Marocains dans leurs heurs et malheurs, il est considéré comme l'auxiliaire artistique et culturel le plus important dans le Maghreb. Ses poèmes abordent tous les thèmes : spirituels, intellectuels et autres, sous des formes artistiques de toute beauté, alliant la splendeur des images à celle des mots. Les «printaniers» (erbiiaates) expriment le mode wasf pour décrire la nature. Ce sont de splendides quatrains, décrivant le plus souvent la luxuriance du printemps. Les pièces renferment beaucoup de noms désignant toutes sortes d'arbres, de plantes, de fleurs et d'oiseaux. Mais si le thème mis en exergue dans ce genre est la description de la nature au fait de sa magnificence, de sa splendeur, ornée de sa plus belle parure, les poètes qui l'ont traité en ont rarement pour autant négligé l'éclat de la beauté féminine, qu'ils ont rêvé dans des pièces galantes appelées «Ochaqi». Le «ochaqi» : C'est la poésie amoureuse du melhoun. Les poètes populaires y ont excellé, décrivant les différents états émotifs engendrés par l'éloignement de l'être aimé, sa rencontre, la séparation, le rendez-vous, les soupirs, les pleurs et la joie. Le «saq» : Ce sont des poèmes «kaâda» qui célèbrent la bonne compagnie, les réunions entre amis, la gaieté suscitée par le vin. Le poète innove et laisse libre cours à son imagination. On trouve dans ce genre des images ravissantes, représentant superbement le rapprochement de la coupe aux lèvres. Evoquant le fait de boire du vin avec vanité, blâme ou bien encore s'en détournant malgré son attrait. Il y a aussi des poèmes dans lesquels le vin n'apparaît que comme symbole mystique, sans qu'il y ait absolument aucun rapport avec la boisson. Il y a enfin la satire appelé communément hajou : Elle est lancée pour attaquer un traître, un imposteur, un harpagon, mais constitue aussi un moyen de flétrir les parasites et les plagiats en règle générale, pour faire apparaître leur faiblesse et leur vice. En fin de compte, le melhoun ne se limite pas seulement à de belles paroles, mises en poèmes à la magie enchanteresse, il est bien plus, avec tout cela, un riche trésor culturel pour la mémoire universelle, maghrébine en particulier ; c'est un livre ouvert qui nous parle des péripéties de l'histoire, un dictionnaire fidèle qui protège la langue du splendide Maghreb.