Zohra Drif Bitat était, hier, l'invitée du Club des médias culturels à la salle Atlas de Bab El Oued (Alger) où elle a animé une conférence portant sur son dernier livre intitulé « Mémoires d'une combattante, Zone autonome d'Alger », paru aux éditions Chihab, et ce, à l'occasion de la célébration de la Journée nationale du chahid, qui coïncide avec le 18 février de chaque année. Le livre de 607 pages comporte huit chapitres et est illustré de photos de chouhada et chahidate, martyrs du devoir. Organisée par l'Office national de la culture et de l'information (ONCI) en partenariat avec l'ENTV et l'ENRS, cette rencontre s'est tenue sous l'égide du ministère de la Culture, à laquelle a pris part une nombreuse assistance. A propos de l'écriture et de la publication de son livre, elle dira : « J'ai senti qu'il fallait en parler, 52 ans après l'indépendance. » Les raisons ayant présidé à son écriture sont, entre autres, le séminaire organisé à Marseille par un journal français et un autre algérien et qui tournait autour des 50 ans d'indépendance de l'Algérie. « J'ai été invitée pour en parler, mais j'étais surprise par le débat, j'ai senti que la guerre persistait. Je le dis d'ailleurs dans le livre. Aussi, j'ai senti que nous n'avons pas laissé de mémoires pour la jeunesse, j'ai donc essayé de raconter de la manière la plus rigoureuse qui soit comment on vivait, faire revivre La Casbah et ses enfants pendant cette période. » Zohra Drif-Bitat dit qu'elle n'est pas historienne : « J'ai voulu dire à la jeune génération combien notre peuple et ses dirigeants sont grands. Je voulais transmettre aux jeunes une image vivante pour qu'ils n'oublient pas combien le colonialisme était tyrannique, malgré cela, le peuple est resté debout, solidaire, courageux... » « Il y avait, dit-elle, une mobilisation de l'ensemble de la population qui s'est opposée à la quatrième puissance mondiale de l'époque. J'ai voulu dire aussi à nos jeunes, n'oubliez jamais que la liberté est la plus belle chose dans la vie et la plus fragile en même temps », dira-t-elle. Et d'ajouter : « Le seul moyen de protéger le pays, c'est la conscience du peuple. J'ai donc décidé de raconter comment les aînés se sont sacrifiés pour que l'on vive en paix. » Une volontaire de la mort ? À cette question, elle répondra qu'« à l'époque, on n'adhérait pas facilement au FLN, il fallait prouver son engagement par des actions de fidaï en ville où vivait le colonisateur. Nous les femmes, on se faisait passer pour des Européennes ». « On avait plus peur de la torture que de la mort, car une fois arrêté, on était systématiquement torturé. L'angoisse était de ne pas tenir. Nos chefs nous recommandaient de résister au maximum afin de leur permettre d'avoir le temps de changer d'endroit, et ils nous faisaient confiance », raconte-t-elle. La combattante reconnaît qu'avec le peu de moyens dont disposaient les moudjahidine, ils ne pouvaient pas vaincre une armée forte, mais politiquement, on pouvait la battre. A La Casbah d'Alger, les fidaïyines déposaient des bombes dans les commissariats et les endroits fréquentés par les colons et ces actions avaient un grand impact sur le pouvoir colonial et l'opinion nationale et internationale. La cause algérienne était alors internationalisée. Drif Bitat a parlé également de la grève des 8 jours qui a connu un grand retentissement au niveau national et international. Des exactions ont été commises contre les Algériens à cette période. « La baie d'Alger est devenue un cimetière au point où les martyrs étaient surnommés les crevettes de Bigeard », témoigne-t-elle. Une répression féroce a caractérisé cette grève, mais le colonisateur savait, dira la conférencière, ce que signifiait la grève de huit jours. Dans son livre, l'auteure a parlé des icônes de la guerre de Libération nationale dont Larbi Ben M'hidi, Hassiba Ben Bouali, Ali Lapointe, Debbih Chérif. « J'ai essayé de rendre vivants ces personnes pour les générations futures », a-t-elle indiqué.