La pièce de théâtre « El Aâchae El Akhir » (Le dernier dîner) a été présentée vendredi dernier à Alger, au TNA. Une tragédie qui a mis en avant le crépuscule du totalitarisme, à travers le réquisitoire d'une femme en quête de délivrance des pratiques abjectes de son mari, dictateur en retraite. Adapté par Haïdar Benhassine, d'un texte de Hassen Errachid le spectacle, mis en scène par Amel Menghad, est un plaidoyer pour la liberté rendu par le duo Warda Saïm dans le rôle de l'épouse et Wael Bouzida dans celui du mari, dans un savoir-faire d'exception prônant pour figure rhétorique, le paradoxe. L'épouse, une institutrice contrainte de vivre sous le poids des innombrables injustices commises à l'égard des petites gens par son mari durant sa carrière d'ancien officier militaire, sort de sa réserve et lui reproche ses manquements au respect de la vie et aux valeurs humaines. Le mari y allant de son argumentaire, prétextait qu'il n'avait fait que son devoir de veiller sur les intérêts supérieurs de la nation contre des « énergumènes » qui voulaient attenter à son intégrité et sa plénitude. Comme pour laver son âme de toutes les forfaitures perpétrées par son conjoint, la femme s'acharne davantage contre « l'instrument du mal » qu'aura été son mari qui refusait de sortir de la maison pour ne pas affronter les regards accusateurs de la rue. Emotions intenses Servis par une adaptation intelligente où la langue dialectale faisait office de transition à des faits importants, déclamés en arabe littéraire, à charge contre l'officier en retraite, les deux antagonistes se sont savamment donné la réplique, dans une dualité nourrie par un rythme ascendant et soutenu. Devant un public peu nombreux, dans un décor presque nu qui permettait l'émergence du texte, une chaise, couverte de manchettes de journaux aux faits divers, servait de lieu de répit au mari, chaque fois qu'il était acculé par sa femme qui lui rappelait son passé sombre. L'éclairage, la projection de diapositifs et l'habillage musical signé Lamamra Hassen, en adéquation avec le texte, ont agi en éléments dramaturgiques donnant dans des intensités équilibrées, les atmosphères d'angoisse et de tourment, nécessaires à la sémantique du spectacle. La direction d'acteurs soumise à une mise en scène judicieuse a permis un bon agencement de l'espace dans lequel les deux comédiens ont donné de l'élan à leurs personnages respectifs, faisant vivre en eux des émotions intenses entre les regrets d'un passé amer et l'absolution d'une caution imposée. « L'humanisme et la tolérance se doivent d'être soutenus, dans une prestation pleine, aux enseignements utiles sur les mutations sociales que connaissent actuellement beaucoup de peuples en quête de liberté », a déclaré Amel Menghad. Avec « El Aâchae El Akhir », Amel Menghad, comédienne au TNA depuis 17 ans, signe sa deuxième mise en scène, après « Kalam » (2009) qu'elle a également adaptée de l'œuvre d'Antoine Tchekhov, « Le chant du cygne ».