Finalement l'option Valls, suggérée in fine par l'autre prétendant Drian, a prévalu pour tenter de donner un « second souffle » à la France prise en étau entre la « vague bleue » qui risque de prendre plus d'ampleur, lors des sénatoriales de septembre prochain, et le mouvement de désaffection du camp socialiste et de la majorité de gauche au pouvoir depuis 2012. Une majorité qui menace d'éclater avec le choix du « socialiste de droite ». Conforté par le bon score des municipales qui leur a permis de disposer de ses alliés socialistes, les Verts entendent peser sur la cohabitation en recomposition et, surtout, le changement de cap qui conditionne leur participation au nouveau gouvernement. Les deux ministres écologistes, Pascal Canfin (Développement) et Cécile Duflot (Logement), se préparent à plier bagage pour reconstituer le front de refus dans la gauche en désordre. Le veto des Verts reste tributaire, selon le coprésident du groupe EELV à l'Assemblée nationale, François de Rugy, des exigences écologistes. « Si, collectivement, nous constatons que les priorités écologiques ne sont pas au rendez-vous, reportées à plus tard comme ça a été un peu le cas depuis deux ans, ou qu'elles sont carrément abandonnées, évidemment qu'il n'y aura pas d'écologistes au gouvernement ! ». Plus catégorique, le coprésident du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, appelant à une manifestation le 12 avril pour exprimer le « ras le bol de la gauche », qualifie le nouveau Premier ministre de « plus grand commun diviseur de la gauche ». Il est aussi accusé par le leader du PCF, Pierre Lauren, de n'écouter que de « l'oreille droite » qui confère au positionnement droitier prôné par le « sarkozyste de gauche » que l'ancien président a tenté de débaucher en 2007 et le basculement de la sociale-démocratie à l'alternative ultralibérale les urgences du vote massivement à droite de la France en crise, désindustrialisée et en panne de compétitivité internationale. Le malaise à gauche est bien circonscrit par la sénatrice PS, Marie-Noëlle Lienemann : « C'est le type qui fait 6% (primaire socialiste de 2011) et se retrouve à Matignon . Dans la famille de gauche, le bras de fer est donc à son paroxysme pour traduire dans les faits les incertitudes du choix de Hollande acculé à saisir la dernière chance pour sauver le quinquennat qui sera défendu par le « gouvernement de combat » de 15 ministres et une dizaine de secrétaires d'Etat. Au chapitre des surprises : le retour aux affaires de Ségolène Royale, annoncée à la tête du ministère élargi de l'Education, du maire de Dijon et président du groupe socialiste au Sénat, François Rebsamen, en successeur de Valls à l'Intérieur, des députés Barbara Pompili et Eva Sas ou du sénateur Jean-Vincent Placé. Le nouveau Premier ministre ne désespère pas de recoller les morceaux de la cohabitation en vert. Le nom de François de Rugy et bien d'autres députés figurent dans son agenda. Dans l'urgence, le gouvernement de Valls, dont la constitution doit intervenir avant le conseil des ministres qui sera présidé aujourd'hui ou demain par Hollande, se voit confier la triple mission de relancer l'économie en berne par la mise en œuvre du « pacte de responsabilité » (moins de charges pour les entreprises pour plus d'emplois et d'investissements), de garantir « la justice sociale » à travers le « pacte de solidarité » (diminution des impôts d'ici à 2017 et des cotisations pour les salariés), et engager la « transition énergétique » pour une France « moins dépendante du pétrole comme du nucléaire ». Pari risqué ? Valls doit impérativement vaincre les réticences de Bruxelles appelée à faire preuve de patience sur la maîtrise des déficits (4,3% au delà du seuil de 3%). Hier, le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a prévenu le nouveau Premier ministre qu'il devait continuer les réformes pour réduire le déficit budgétaire et renforcer la compétitivité du pays. Il faut « s'en tenir aux objectifs budgétaires et travailler à des réformes », a-t-il indiqué. Fini le temps du laxisme ? La France, qui a eu deux chances de ramener son déficit aux normes européennes, ne peut éviter le programme de stabilisation des finances publiques. Cette exigence a été rappelée par le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn, qui a affirmé avoir « hâte de recevoir le programme de stabilité de la France dans deux semaines ».