Quelle est votre impression sur cette élection présidentielle ? J'ai couvert toute la campagne électorale. Elle me rappelle celle de 2004 de par sa vivacité, ses excès et le dynamisme des débats. La nouveauté est la campagne qui a commencé avant l'heure avec la présence des médias lourds, dont les télévisions qui émettent à partir de l'étranger, et les réseaux sociaux. On ne peut pas prétendre que le débat n'a pas été démocratique. Les candidats ont pu transmettre leurs messages. Ce qui est à déplorer et d'antidémocratique, c'est l'appel au boycott. Le vote est un droit essentiel qui a été arraché par des millions d'Algériens qui sont morts pour l'indépendance du pays. Ils avaient voté massivement pour la première fois. On peut exprimer son refus par le bulletin blanc. Quand on ne s'exprime pas, cela veut dire qu'on ne s'occupe pas de politique ou c'est une position incomprise. Il faut voter. C'est la seule erreur démocratique à ne pas commettre. On a vu les conséquences dans tous les pays où la rue s'est imposée. Cela a eu lieu en Algérie en octobre 1988 et durant la décennie rouge. L'Ukraine est menacée de disparition. Il y a eu un coup d'Etat anticonstitutionnel et la Crimée a été annexée par la Russie. C'est ça la démocratie ? Une minorité qui investit la rue et parle au nom du peuple avec ce slogan « le peuple veut faire tomber le régime ». Mais le peuple veut s'exprimer à travers les urnes. Le boycott est un crime contre la démocratie. Les boycotteurs s'excluent du jeu démocratique. C'est dommage car ce sont des gens respectables. Quelle est, selon vous, l'issue du scrutin ? Il y a deux candidats : le président sortant Abdelaziz Bouteflika, candidat à sa succession et son ancien chef de gouvernement, et le candidat indépendant, Ali Benflis. Ils sont issus du système. On ne peut pas dire le contraire. Tous les arguments utilisés, les programmes récurrents et les discours sur les libertés et le changement sont des slogans électoraux. C'est la règle démocratique. L'un des candidats a un bilan, donc il peut-être jugé sur ce dernier alors que les autres ont des promesses. Finalement, c'est le peuple algérien qui décide. Trois options sont mises en avant : la réélection de Bouteflika, l'élection de Benflis ou la phase de transition à laquelle ont appelé plusieurs personnalités politiques. Selon votre analyse, laquelle est la plus plausible ? L'option la plus probable est la continuité, selon les analystes. D'une part, il y a un bilan, et de l'autre, des promesses. Il y a aussi la stabilité. Le contexte régional a besoin d'une Algérie stable et forte. Comment se déroule la couverture médiatique ? Il y a un ton de liberté exceptionnel avec parfois des excès. L'électorat est averti. Les conditions de travail pour les journalistes sont excellentes.