Les poèmes de Nadjia Hamzi s'inscrivent dans une lignée particulière vu qu'elle entretient un lien spécial avec la poésie populaire. Elle est coiffeuse dans la vie de tous les jours mais cela ne l'empêche nullement d'exercer son art encore moins de l'occulter. Entre une coupe de cheveux et un brushing, Nadjia, dite Nadia, lance un vers, une ode..., que tout le monde apprécie et même acclame. Son humour l'aide à toucher la sensibilité des gens. Ses poèmes sont autant lus qu'estimés. Après le succès de son premier recueil de poésie intitulé « Amwaj al bahr » (Les vagues de la mer) sorti en 2011 (éditions Dar Fairouz), elle récidive en écrivant un autre opus « Sirae el hayat » (Combat de la vie) dont la publication est prévue pour bientôt. Comment êtes vous venue à la poésie populaire ? La perte de ma mère a fait naître en moi une espèce d'inspiration littéraire inopinée. J'avais à l'époque neuf ans. J'ai alors composé des vers pour exprimer ma douleur, apaiser ma déchirure. J'entretenais une relation particulière avec ma mère. On s'aimait énormément car elle était tout pour moi. J'ai écrit mon premier poème dont le thème gravitait autour de l'orphelin. Avec les technologies modernes, pensez-vous que la poésie populaire soit menacée ? Je suis confiante malgré l'avancée considérable de la technologie moderne. Rien ne pourra altérer la poésie populaire qui a encore son public. Entre le message et la beauté sonore des poèmes qu'est-ce qui importe pour vous ? Je considère les mots comme une thérapie et doivent véhiculer des messages. Ma poésie est une caravane musicale. Elle fait danser en même temps qu'elle dit la vérité. Quels sont les thèmes que vous traitez dans vos qçids ? Cela va de tout. Mais j'aime traiter des thèmes qui soient en rapport avec la société comme la séparation, l'indifférence, le rôle grandissant des parents, le laisser-aller des enfants envers leurs parents, l'amour, la paix... J'aime toucher la sensibilité des gens. En dépit de sa valeur culturelle et littéraire, la poésie populaire souffre d'un manque de collecte, de diffusion et études.... Pour moi, l'université n'a pas encore su prendre sous son aile ce produit intellectuel par lequel se manifeste l'âme de tout le peuple. Il faudrait aussi multiplier les rencontres, colloques et festivals qui constituent, en soi, un pas sur le chemin de l'étude et de la préservation de ce patrimoine. Que suggérez-vous afin de sauvegarder ce patrimoine ? Je plaide pour la constitution d'un corpus pour la poésie populaire, qui peut constituer un précieux réservoir pour le théâtre national. Outre son importance intrinsèque en tant que texte littéraire, la poésie populaire présente un intérêt tout particulier pour l'historien à qui elle fournit de riches témoignage et de précieux indices sur des moments et des évènements particuliers dans l'histoire nationale. La poésie populaire a exprimé, bien avant le déclenchement de la glorieuse révolution, les souffrances du peuple et son refus catégorique de l'occupation coloniale. Faites-vous ce genre de poésie ? Ma poésie raconte l'état d'âme, l'Homme dans toute sa dimension, la vie. Cependant, je sais que la poésie révolutionnaire décrivait avec exactitude les affres du colonialisme et la situation tragique endurée par le peuple, situation marquée par la pauvreté, la famine, les déplacements forcés, la torture et le génocide. Les poètes qui ont émergé avant et pendant la révolution pour la libération du pays de toute domination et asservissement ont transmis avec honnêteté et objectivité les conditions sociales, politiques et économiques de cette période. La poésie populaire révolutionnaire algérienne a vu son apogée au cours des années de la glorieuse révolution renforçant ses liens avec le peuple et la nation. Comment la poésie populaire a-t-elle contribué à la guerre de libération ? Les marchés populaires constituaient alors un espace approprié pour les poètes du melhoun pour transmettre des messages codés au peuple, appelant à résister contre l'occupation coloniale et à s'unir autour de la révolution. Quel pourrait être le rôle des poètes du melhoun de nos jours ? Il faut dire que leur rôle était de sensibiliser les citoyens à la révolution et l'ancrage du sens du patriotisme dans leur cœur. la poésie populaire fut incarné, lors de la glorieuse guerre de libération nationale, par le personnage du berrah ( conteur) qui abordait, dans des poèmes et dans des styles comique et sérieux, la situation désastreuse endurée alors par la population, appelant à l'union pour affronter le colonialisme.