uinze millions d'électeurs se rendront aujourd'hui, sous la protection des forces armées placées en état d'alerte maximum, pour choisir dans plus de 9.000 bureaux de vote, loin des zones d'affrontements qui ont fait en trois ans, 162.000 morts, 9 millions de déplacés, celui qui dirigera la Syrie parmi trois candidats, Bachar al-Assad, le président sortant et deux inconnus au niveau international, Maher Al-Hajjar, un député indépendant d'Alep, et Hassan Al-Nouri, un homme d'affaires de Damas. Alors que l'issue du scrutin pluraliste, le premier dans l'histoire du pays, ne fait aucun doute — Bachar, qui a été élu en 2007 avec 97,26% des suffrages exprimés, sera reconduit pour un troisième mandat —, le parti Baas au pouvoir en Syrie depuis un demi-siècle, des dirigeants religieux et de partis politiques appellent depuis l'ouverture de la campagne électorale à réélire le Président sortant. Un appel que les 200.000 des 3 millions de réfugiés ou expatriés inscrits sur les listes électorales à l'étranger semblent avoir entendu : 95% d'entre eux ont voté et la majorité a choisi Al Assad. Les Amis de la Syrie ont envoyé des équipes d'observateurs pour « superviser » cette élection que l'opposition et les pays occidentaux qualifient de « farce » et de « parodie de la démocratie ». « Cette élection, c'est un message du régime à la communauté internationale qui consiste à dire "oubliez tout espoir de transition démocratique, la seule solution au conflit, c'est notre solution" », décrypte Michel Kilo, une figure de l'opposition. Que fera le Président ? Réélu, que pourra faire Al-Assad dans un pays où la situation économique et sociale est catastrophique ? Un rapport sur les deux derniers trimestres de 2013, publié par l'ONU quelques jours avant le scrutin, fait état d'« une économie exsangue, un système de santé en ruine et un système éducatif qui vacille ». 75% de la population vit dans la pauvreté. Le chômage est passé de 10,3% en 2011 à 54,3% fin 2013, la moitié des enfants en âge d'être scolarisés ne vont pas à l'école avec des pics de 90% à Raqqa et Alep, au nord, et 68% dans les zones rurales de Damas. Cette situation devrait se poursuivre, puisque l'Union européenne a prolongé jusqu'au 1er juin 2015 ses sanctions contre la Syrie. Parmi celles-ci, un embargo sur le pétrole. Selon Rabie Nasser, un chercheur au Centre syrien de recherche politique à Damas, ce conflit a provoqué jusqu'à fin 2013, des pertes économiques de 143,8 milliards de dollars. Les retombées de cette élection pourraient être insuffisantes. La communauté internationale, qui n'a pas « digéré » que Lakhdar Brahimi — le concepteur avec les Russes et les Américains en 2012 sur les bords du lac Léman de l'accord appelant à la formation d'un gouvernement d'unité doté de tous les pouvoirs exécutifs et qui a critiqué la décision de Damas de tenir ce scrutin qu'elle considère comme incompatible avec l'esprit et la lettre du communiqué de Genève — ait démissionné, pourrait revenir à la charge. Les « engagements » pris par Barack Obama et François Hollande avec Ahmed Jarba, le chef de la Coalition nationale syrienne, le laissent penser. Même si Al Assad se pose en rempart contre les groupes terroristes.