Les électeurs syriens sont appelés à se rendre aux urnes aujourd'hui pour une élection qui devrait confirmer le président Bachar al-Assad, trois ans après le début d'une révolte qui s'est transformée en conflit dévastateur aux ramifications internationales. Près de 15 millions de Syriens sont concernés par ce vote qui survient dans une conjoncture difficile. Le pays est exsangue et les zones d'affrontements semblent déjà non concernées par l'opération. L'organisation d'un vote populaire est en soi un challenge dans une Syrie fragilisée par les coups de butoir d'une opposition financée et aidée par plusieurs pays occidentaux, arabes et musulmans. Un plan de sécurité a été mis en place dans toutes les villes syriennes pour protéger les électeurs et les bureaux de vote contre d'éventuelles attaques. Les plus de 9 000 bureaux de vote installés à travers la Syrie sont sécurisés selon les autorités qui voudraient prouver que le pays reste sous contrôle. Le parti Baâth au pouvoir, des dirigeants religieux et des partis politiques syriens ont appelé à réélire Al-Assad le président sortant. Il faut dire que ce vote revêt davantage un aspect de résistance à l'ennemi qu'un acte de politique interne. La guerre civile qui fait rage en Syrie aura complètement chamboulé un processus politique interne inévitable. Il s'agit néanmoins de la première présidentielle pluraliste depuis plus de cinquante ans en Syrie. Bachar al-Assad et son père Hafedh, qui a dirigé le pays de 1970 à 2000, ayant été élus à l'issue de plébiscites référendaires. La campagne électorale pour la présidentielle s'est achevée sans fait notable. Alors que le pays est dévasté par trois ans d'un conflit qui fait encore chaque jour des dizaines de morts, l'élection devrait se dérouler dans les régions sécurisées, loin des zones d'affrontement où le désordre règne. Avec ce vote, les insurgés et l'opposition, profondément divisés, de même que leurs promoteurs arabes et occidentaux, devraient assister malgré eux au maintien au pouvoir de Bachar al-Assad dont ils ont espéré la chute. Le pouvoir syrien s'est même renforcé les derniers mois face à une pression permanente des puissances occidentales. La crise en Ukraine aura joué un rôle non-négligeable dans le durcissement de la position de la Russie envers les Occidentaux. En effet Moscou reste toujours un allié sûr de Damas dans cette crise syrienne aux ramifications géopolitiques complexes. La rébellion, qui dénonce le scrutin alors que le conflit a fait plus de 162 000 morts semble avoir perdu de sa vigueur et de sa crédibilité après les divisions apparues dans ses rangs. Deux candidats Maher al-Hajjar et Hassan al-Nouri, un parlementaire d'Alep, et Hassan al-Nouri, un entrepreneur, concourent pour la succession d'Al-Assad, en l'absence de tout suspense. Un acte de résistance Le parti Baâth au pouvoir a appelé à réélire Bachar al-Assad comme un acte de résistance à la tentative sournoise de destruction de la Syrie. Alors qu'on prédisait la chute du régime syrien au bout de quelques mois après le début de la contestation, voilà qu'il résiste au-delà des prévisions. C'est que la question syrienne reste plus complexe que ne l'explique la propagande occidentale et des pays du Golfe. Au moins la moitié du peuple syrien soutient directement ou indirectement le régime comme dernier rempart à la décomposition de la Syrie et sa fragilisation en tant qu'élément de la résistance contre Israël. Mercredi des milliers de Syriens expatriés ou réfugiés ont voté dans 43 ambassades, en particulier au Liban voisin. Plus de 95% des Syriens enregistrés dans les ambassades ont voté. Un engouement qui n'a pas été du goût des détracteurs du régime syrien. Des réfugiés ont manifesté au Liban et en Turquie contre le vote. La France, l'Allemagne et la Belgique ont interdit le vote sur leur sol, de même que les Emirats Arabes Unis. Une défiance qui ne semble pas tracasser Damas. Des délégations de neuf pays amis dont le Brésil, la Russie et l'Iran superviseront le scrutin qui se tiendra, alors que les violences ne connaissent aucun répit. La presse syrienne a souligné la nécessité de voter pour un président qui fait face à une guerre imposée par l'extérieur. Ainsi le scrutin devrait renforcer la position d'Assad, dans cette guerre aux ramifications internationales évidentes, face à une opposition et à une rébellion fragmentées dont une partie a muté en djihadistes radicaux. La révolte de mars 2011 pour des réformes politiques dans le sillage des bouleversements nommés «printemps arabes» s'est en effet transformée en une insurrection armée avant de devenir une guerre où les puissances étrangères y ont un rôle de premier ordre. Le vote pour Assad prend ainsi l'allure d'un choix pour la préservation de la Syrie actuelle menacée par une déstabilisation voulue par les puissances dont l'objectif réel est la fragilisation, voire l'anéantissement, de l'axe Téhéran-Damas-Hezbollah. Un axe qui dérange la prééminence militaire et stratégique de l'Etat hébreu dans la région. M. B.