Sur la base d'alertes que lui ont adressées des auteurs, le New York Times a rendu publique, au début du mois de mai, une information faisant état de pratiques commerciales répressives exercées par le site de commerce en ligne américain Amazon à l'encontre de certains éditeurs, dont Hachette. Les éditeurs traditionnels commencent, en effet, à ressentir l'effet du tour de vis supplémentaire opéré par Amazon qui vient de s'attaquer aux produits de deux éditeurs européens, qu'il cherche à contraindre pour réduire leurs marges sur le livre numérique. Parce qu'il a toujours refusé de faire un geste sur ses marges, le groupe d'édition Hachette vient de subir une drôle de politique de représailles commerciales par le site de vente en ligne Amazon réputé, depuis quelque temps, rendre « plus difficile, voire impossible, l'achat des titres de tous les éditeurs qui dépendent du groupe sur sa plate-forme depuis plusieurs mois », écrit le site 01net.com qui rapporte, cette semaine, que « le géant du e-commerce a blacklisté Hachette parce qu'il refuse de baisser ses marges sur les e-books. » Non content de cette action, Amazon vient, en effet, de passer à un cap supérieur dans sa politique de dissuasion, puisque le week-end dernier, il a décidé, selon ce même site, d'imposer sur son service « l'impossibilité de précommander la version papier du blockbuster The Silkworm, le dernier ouvrage de JK Rowling, publié sous le pseudo de Robert Galbraith. » S'estimant pris en otage par ce procédé, des auteurs sont montés au créneau pour dénoncer le diktat d'Amazon, et à leur tête, ajoute 01net.com, « le syndicat des auteurs américains (Authors Guild) s'est fait le porte-drapeau des mécontents d'Amazon ». Le New York Times relate, de son côté, l'aventure de l'illustratrice d'œuvres destinées aux enfants, Nina Laden, dont les déconvenues avec Amazon sont relatées dans un écrit sur Facebook dans lequel elle détaille les discriminations d'Amazon à l'encontre de sa dernière œuvre « one open a memory », parue en 2013 chez un éditeur du groupe Hachette. « Le site a commencé par augmenter le prix de son livre de 10 à 17 dollars. Puis il a mis en place des bannières proposant à l'internaute d'autres publications similaires moins chères. Enfin, il affiche un délai de livraison anormalement long de trois à cinq semaines », souligne 01net.com qui a repris ce coup de gueule de l'illustratrice : « Vous me punissez parce que vous voulez un plus gros rabais de Hachette. Cela est déplorable ». Mais selon d'autres informations rapportées par la presse, le cas de cette illustratrice n'est pas le pire puisque Amazon aurait déjà eu à exercer des pressions autrement plus lourdes sur d'autres écrivains dont les œuvres sont annoncées comme épuisées ou mise en ligne sans options pour leur acquisition. Le site www.01net.com relate, dans ce sens, « le cas de Anne Rivers Siddons dont le roman The Girls of August, qui doit sortir en juillet, n'est plus indiqué en version papier et e-book et ne peut être précommandé que sous format audio au prix exorbitant de 62,99 dollars. » D'autres informations parvenues du vieux continent évoquent une campagne de pression du marchand en ligne Amazon sur des pans entiers de l'édition allemande pour le même objectif. Le site www.actualitte.com relaie ainsi des nouvelles rapportées par Frankfurter Allgemeine Zeitung qui croit savoir que « la firme américaine s'en prend également aux éditeurs européens », dans le cadre d'une stratégie du « marchand, bien décidé à... améliorer ses marges ». Les informations rapportées concernent le groupe éditorial Bonnier, qui chapeaute de nombreuses maisons d'édition allemandes et qui seraient soumis aux mêmes mesures discriminatoires que les entités relevant de Hachette Book Group. Le journal revient ainsi sur des « délais de livraison excessivement longs, quand bien même les titres étaient disponibles début mai, tout à fait normalement ». Les éditeurs allemands ciblés par cette politique commerciale agressive d'Amazon parlent clairement du sujet en faisant remarquer que « les remises pratiquées de l'éditeur à destination du libraire, sont au cœur du problème. Il s'agirait de passer des 30 % traditionnellement admis à des montants de 40 à 45 %. Une méthode claire pour conforter la position monopolistique grandissante du marchand - tout en démontrant sa force de frappe auprès des éditeurs », selon le même site. Les éditeurs allemands redoutent cette stratégie qui révèle un comportement marketing « typique » des sociétés américaine. Pour un agent d'édition cité par actualitte.com, « l'impatience des actionnaires d'Amazon rendrait les négociations plus oppressantes encore pour les fournisseurs. » Et le marchand en ligne tente ainsi de mettre la main sur le secteur de l'édition numérique pour marquer son territoire et se positionner en leader d'un marché en pleine évolution. En Europe le constat sur le développement du marché du livre numérique est un peu moins reluisant, tel qu'il ressort des différentes études publiées à l'occasion du dernier salon du livre de Paris qui s'est tenu fin mars dernier ; le site 0net.com, résume l'ambiance générale en avançant que « Le livre numérique peine à séduire la population française, malgré les nombreux outils de lectures à disposition. » Sur le vieux continent, l'exemple de la France est la preuve du décalage avec l'Amérique du Nord. « En France, les ebooks dépassent à peine 1% du chiffre d'affaires de l'édition. Et, en volume, ils atteignent 3% quand les Etats-Unis et la Grande-Bretagne affichent respectivement 25% et 15% du volume publié », écrit le site qui donne la parole à Marie-Pierre Sangouard, directrice des contenus Kindle, dont le constat est moins pessimiste : « En France, le rythme est moins soutenu qu'aux Etats-Unis ou qu'en Grande-Bretagne, mais le marché avance. Pour preuve, en 2011, nous proposions 40% des titres de la rentrée littéraire. En 2013, nous en avions 90%. » Il s'agit, en effet, d'un marché en évolution lente mais constante que le marchand américain tente de baliser par des politiques répressives et également d'autres stratégies d'alliance et de partenariat. Réagissant aux mesures imposées aux éditeurs allemands, le syndicat des éditeurs et libraires allemands qui y voit une tentative de « main mise sur l'ensemble du secteur de l'ebook - une manière de prendre l'ascendant financier également sur les autres acteurs », estime selon 01net.com que « la situation est claire : Amazon est en passe de prendre sur le marché du livre numérique, une position dominante ». Son directeur général va plus loin et titre la sonnette d'alarme : « La domination croissante du marché de la société Amazon en termes économiques et culturelles est dangereuse pour le marché du livre. » Du côté du groupe d'édition Hachette, on se fait un peu plus prudent, en considérant notamment le poids représenté par Amazon dans la commercialisation des livres ; « 60% des ventes de livres électroniques et 30% des ventes papier », selon 01net.com. Aucune réaction hostile n'a été enregistrée pour le moment, tandis que le site 0net.com a eu l'occasion de donner la parole à sa directrice de la communication Sophie Cottrell, qui joue plutôt l'apaisement : « Nous espérons que cette situation ne va pas durer trop longtemps mais nous ne ménageons pas nos efforts et explorons toutes les options. » Le site en conclut que l'éditeur français est disposé à se mettre à table et rappelle qu'Amazon « est en conflit depuis plusieurs années sur le dossier des e-books avec les cinq plus gros éditeurs américains dont Hachette. Mais ces derniers avaient été condamnés pour entente illicite avec Apple sur les prix des e-books par la justice américaine. » Sur un autre plan, mais toujours dans la bataille pour le contrôle du marché du livre numérique, Amazon vient de recevoir une belle offre du constructeur sud-coréen Samsung qui vient d'annoncer l'abandon, le 1er juillet prochain, de l'activité Readers Hub d'offre de livres numériques au profit de celle d'Amazon. Le site www.actualitte.com, qui rapporte l'information, indique que « l'offre numérique de Samsung s'est toujours faite discrète, malgré un catalogue estimé à 2,3 millions de titres au plus fort de sa vie sur le territoire américain. Mais, par manque de promotion, ou bien d'amour de la part des usagers, le Readers Hub n'a jamais connu la popularité. » Samsung s'est lancé en 2010 dans ce créneau et a lié des partenariats avec des fabricants de Smartphones et fournisseurs de contenus. Après une première tentative de mise sur le marché de liseuses, peu acceptées par les consommateurs, le géant sud-coréen a opté pour l'ouverture de librairies propres, également sans grand succès. En effet, constate actualitte.com, « les applications de lecture que proposait la marque ne bénéficiaient pas d'un suivi exemplaire, et se retrouvaient bien souvent obsolètes dès qu'une nouvelle gamme d'appareils faisait son entrée sur le marché. »