L'homme ne fut pas seulement un général-major de l'ANP qui eut à occuper de hautes responsabilités en dirigeant, notamment, des régions militaires, puis la commission de défense du Conseil de la nation. Hocine Benmaalem a été mis à la retraite en novembre 1991 à l'âge de 52 ans alors qu'il occupait les fonctions de directeur de cabinet à la présidence de la République. C'est aussi un maquisard qui, malgré son jeune âge, avait côtoyé de grands responsables de l'ALN, notamment le colonel Amirouche dont il fut le secrétaire juste après avoir rejoint les maquis de la wilaya 3. Il était alors lycéen au collège Albertini de Sétif et répondit à l'appel à la grève du 19 mai 1956. De ses années d'enfance à la Kalaa n'Ath Abbés où il est né en 1939 à la crise de l'été 62, il déroule, dans le premier tome de ses mémoires qui vient de paraître*, le fil des événements qui ont marqué sa vie. Il ne fait pas œuvre d'historien. « Je considère que chacun doit participer à l'écriture de l'histoire en apportant son témoignage sur des événements qu'il a vécus. L'ensemble de ces témoignages constituera la matière première aux historiens, il leur permettra d'écrire l'histoire de la révolution de façon plus cohérente » écrit-il dans l'avant-propos. Le parcours de l'homme ressemble à celui de tous les jeunes de sa génération, même s'il eut la chance de poursuivre des études. Il aura connu les discriminations du système colonial et même la faim qu'il décrit en se replongeant dans ses années de jeunesse. Il évoque, avec tendresse et nostalgie, sa famille, ses amis d'alors et ce village, berceau d'El Mokrani, dont l'histoire remonte à des siècles. Cette forteresse, où fut ouverte une des premières medersas des uléma en 1936 (le père de l'auteur en était membre), fut bombardée et dépeuplée durant la guerre. Ses enfants se retrouvèrent dispersés dans plusieurs villes, un mouvement entamé après l'échec de la révolte de 1871. Le livre s'attarde ensuite sur le congrès de la Soummam, la mission du colonel Amirouche dans les Aurès en septembre et octobre 1956 pour rétablir l'ordre et l'unité dans une région laminée par les dissensions. C'est un témoignage de première main qu'il livre sur la vie dans les maquis, l'affaire Adjoul, car il avait parcouru les Aurès et la Kabylie avec Amirouche et ses hommes. Il décrit le courage à la limite de l'inconscience des hommes, les embuscades sans tomber dans le travers de « l'héroïsation » du moindre fait et geste des moudjahidine. Il ne cache pas les faiblesses ni la jalousie ou le favoritisme des uns et des autres. On pourra seulement regretter qu'il ne précise pas assez le travail d'un secrétaire se perdant un peu trop dans le récit connu déjà du congrès du 20 août ou dans les méandres de l'affaire de la bleuite ou de la mort de Lotfi qu'il n'avait pas vécues. Il dresse, surtout, le portrait d'Amirouche dont il défend la mémoire, celle d'un homme « grand ami des personnes instruites qu'il respectait ; il encourageait les gens à s'éduquer (p 119). A propos de sa mort, sans avancer une thèse, il n'exclut pas « une trahison de l'extérieur » (P 107). Au cœur de l'armée des frontières C'est en compagnie d'Amirouche qu'il rejoint Tunis au début de l'année 1957 lors d'une marche à pied éreintante de la Kabylie aux frontières tunisiennes. Au début de l'été de la même année, il est envoyé au Moyen-Orient où il fera partie d'une première promotion de 12 officiers. Une photo insérée dans le livre le montre en compagnie de Bouhara, Lounés Boudaoud, Bouzeghoub, Alleg Rahal... En 1959, il retrouve l'armée des frontières où il sera instructeur. Même s'il occupait un poste de technicien complété par une formation d'artilleur en Tchécoslovaquie, il rétablit des vérités sur le fonctionnement des troupes de l'ALN, le rôle des uns et des autres dans les différents bataillons. D'autres officiers de l'armée des frontières ont déjà écrit sur cette période (Nezzar, Bouhara, Zerguini...). Le livre de Benmaalem fournit beaucoup d'informations sur l'organisation et la vie dans les bataillons de l'ALN et sur le volet formation des hommes. Il aborde aussi les rapports avec les officiers déserteurs de l'armée française révélant une inimitié tenace avec Chabou. La plupart des responsables qu'il côtoyait alors allaient influer sur le destin de l'Algérie indépendante. A propos de la crise de l'été 62, il semble renvoyer tout le monde dos à dos. L'EMG a, certes, entrepris un coup de force, mais « quand on présente les 3 B comme des victimes évincées du pouvoir à l'indépendance après avoir « dirigé » la révolution, c'est en partie vrai mais on omet de dire qu'ils y sont pour beaucoup dans ce qui leur est arrivé » ( P 215) Boumediene et ses hommes « n'ont fait qu'exploiter leurs erreurs et leurs insuffisances ». Dans l'attente du second tome plus ancré dans l'histoire plus récente du pays, le livre de Hocine Benmaalem se lit d'un trait et avec intérêt . R. Hammoudi * La guerre de libération nationale, Tome 1, Editions Casbah, 268 pages