Bilingue, Amin Zaoui se veut extrêmement moderne dans son propos et subversif par les thématiques de ses écrits. Durant cette rencontre, qui a duré près de trois heures, il a expliqué son rapport à l'écriture, aux langues arabe et française, et la place de l'intellectuel dans la société et dans « le cercle très fermé, voire verrouillé de la culture ». L'écriture, pour l'ancien directeur général de la bibliothèque nationale, est une sorte d'existence. « J'écris comme je respire », a-t-il déclaré devant une assistance visiblement accro de la lecture. Ce « métier » selon lui, repose sur deux piliers : le savoir et la spontanéité. « Je pense qu'on ne peut pas écrire sur la religion, par exemple, sans connaître ses principes », a-t-il déclaré. Interrogé par la modératrice de la rencontre, Fatima Benchaalal, sur les thèmes qu'il a traités dans ses différents ouvrages, Zaoui a indiqué qu'il s'est intéressé à toutes les préoccupations de la société. « J'ai évoqué le sujet de la religion, les contradictions de la société algérienne, le charme des femmes, etc. Je pense que celui qui ne maîtrise pas un sujet ne doit pas s'engager dans son traitement et son développement », a-t-il précisé. Sur ce point, l'ancien directeur du palais des arts et de la culture d'Oran a appelé tous les écrivains « d'éviter les provocations gratuites ». Selon lui, les romans de renom « sont les livres qui posent des problématiques, pas ceux qui apportent des réponses ». Sur la question de son usage du français et de l'arabe, Zaoui a indiqué qu'il est « indéniablement une ouverture sur la culture de l'autre ». D'après lui, « l'être éminemment social, tout comme la langue d'ailleurs, a beaucoup de choses à apprendre de l'autre ». Zaoui se rappelle de ses premières publications (articles) dans le journal El Moudjahid. Selon lui, « toute langue a ses propres délices ». « J'écris de droite à gauche ou de gauche à droite, je véhicule le même message », a-t-il précisé. L'écrivain écrit dans les deux langues avec un esprit algérien. Amin Zaoui estime que ce sont les écrivains africains et canadiens qui « ont rehaussé le niveau de la littérature française ». Même si le problème de la langue ne se pose pas chez l'auteur du « Dernier juif de Tamentit », il n'a pas hésité à relever que le lecteur francophone est « plus tolérant » que l'autre. « Je crains le lecteur arabophone plus que je pense aux institutions de contrôle », a-t-il avoué. Il cite le sort de son roman « Le Huitième Ciel » édité en 2008 en Egypte. Ce livre a été brûlé « par certains à Oran sans avoir pris connaissance de son contenu ». Pour lui, « les Arabes et les musulmans en général, rêvent mal. Leur conscience est pleine d'interdictions ». A ses yeux, une société qui ne laisse pas errer ses rêves est une société morte ». Pour sa part, Bachir Mefti, un jeune écrivain algérien d'expression arabe, affirme qu'il travaille au renouveau de l'esthétique et sur une nouvelle approche du traitement de l'histoire. L'auteur de « Cérémonie et funérailles » (1997), « L'Archipel des mouches » (2000) a commencé dans la nouvelle. « L'écriture de la nouvelle tient à répondre non pas à des questions idéologiques, mais à une écriture qui couvre un aspect politique », a-t-il indiqué. On retrouve dans les écrits de Mefti « les douleurs, les malheurs, les tueries, en un mot, l'effondrement de l'Algérie ». « Si des écrivains continuent à évoquer le passé, ils essaient néanmoins de le faire autrement. L'on parle d'emblée d'une nouvelle approche de l'histoire. Une écriture subjective, témoin d'un travail sur les personnages, le narratif, la spatialité, la stylistique en un mot, sur la langue ». L'écrivain a créé une nouvelle langue, mieux adaptée à sa sensibilité et à ses idées.