Le choix stratégique du désengagement de l'Irak, conclu le 18 décembre 2011, et de l'Afghanistan, dès la fin de l'année en cours, s'avère un mode opératoire totalement dépassé. Dans l'éventail des options qui exclut pour le moment le retour des G'Is, le président américain, qui a procédé à un examen minutieux du meilleur scénario à sa disposition, a multiplié les rencontres avec ses collaborateurs, en étant en contact permanent, tout au long du week-end, depuis Palm Springs, avec Susan Rice, sa conseillère à la sécurité nationale. Une rencontre avec les membres du NSC (Conseil de sécurité nationale) a eu lieu pour « rassembler les renseignements nécessaires » et fixer le choix définitif. Mais quelle que soit la formule définitivement consacrée, le retour en Irak paraît inéluctable. Une présence au sol est même confirmée par Obama qui, dans un courrier transmis aux deux Chambres, a annoncé le déploiement de 275 militaires en Irak, à compter du 15 juin pour protéger l'ambassade et les citoyens américains menacés par « l'instabilité et la violence ». Cette force, prête au combat, doit rester en Irak « jusqu'à ce que la situation en termes de sécurité ne justifie plus sa présence ». Le risque est pris au sérieux. L'Onu compte aussi effectuer le déplacement d'une partie de son personnel « par mesures de précaution ». Aux portes de Bagdad, les affidés d'al Qaïda continuent leur progression. Après une offensive fulgurante, permettant la prise de Mossoul, d'une grande partie de sa province Ninive (nord), de Kirkouk (nord), de Tikrit (centre) et d'autres secteurs des provinces de Salaheddine, Diyala (est), les combattants de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) ont mis la main, ces dernières heures, sur l'enclave stratégique chiite de Tel Afar, provoquant, selon un responsable municipal Abdulal Abbas, l'exil de quelque 200.000 personnes (la moitié de la population locale). La veille, les insurgés s'étaient aussi emparés d'Al-Adhim dans la province de Diyala. Même si la résistance de l'armée et des forces de sécurité, appuyées par des volontaires et des tribus, a permis de repousser un nouvel assaut sur Baqouba, le cauchemar d'al Qaïda plane sur l'Irak. Présentée par l'envoyé spécial de l'ONU à Bagdad, Nickolay Mladenov, comme « une menace vitale pour l'Irak » et un « un grave danger pour la région », la nouvelle donne s'accompagne de la crainte affirmée par le Premier ministre de la région autonome du Kurdistan irakien, Nechirvan Barzani. L'avancée inquiétante de l'EIIL a signé l'inévitable rapprochement des Etats-Unis et de l'Iran, mus à l'évidence par des intérêts communs, particulièrement en Irak. La Maison-Blanche, qui a pris langue avec les Iraniens à l'issue de « brèves discussions » tenues à Vienne en marge des négociations bilatérales sur le programme nucléaire, n'écarte pas l'option d'une coopération, malgré les tirs croisés des Républicains, totalement opposés au partenariat avec Téhéran considéré par le sénateur John McCain comme la « pire bêtise qui soit ». Pour la porte-parole de la diplomatie américaine, Marie Harf, « l'avenir dira si nous voulons continuer à parler avec l'Iran de l'Irak ». Ironie de l'histoire : le Grand Satan et son vieil ennemi, mobilisés pour défendre le régime chancelant de Nouri El Maliki et repousser l'assaut d'al Qaïda, partagent désormais le même combat en Irak aux objectifs pourtant diamétralement opposés en Syrie. Paradoxe ? Le grand chambardement du Moyen-Orient a déjà commencé. Il postule au réajustement stratégique voulu par le combat pour la stabilisation de l'Irak, tributaire de la stabilisation syrienne.