Les jihadistes se sont emparés lundi de certains secteurs d'une ville du nord-ouest de l'Irak, poussant à la fuite la moitié de la population, les Etats-Unis envisageant des frappes de drones pour freiner l'offensive lancée par les insurgés il y a une semaine. Par ailleurs, Washington n'a pas exclu des discussions avec l'Iran pour tenter d'enrayer la progression fulgurante des combattants extrémistes qui bénéficient notamment du soutien de partisans du régime déchu de Saddam Hussein. Les jihadistes de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) se sont emparés en quelques jours la semaine passée de la deuxième ville d'Irak, Mossoul, d'une grande partie de sa province Ninive (nord), de Tikrit et d'autres secteurs des provinces de Salaheddine, Diyala (est) et Kirkouk (nord). Lundi, ils tentaient de prendre la totalité de Tal Afar, une enclave chiite dans la province majoritaire sunnite de Ninive. Stratégique, cette ville est située à 380 km au nord-ouest de Bagdad sur la route vers la frontière syrienne, alors que l'EIIL aspire à créer un Etat islamique dans la zone frontalière. Les forces de sécurité ont affirmé qu'elles avaient repoussé l'assaut des insurgés, mais plusieurs responsables et un habitant de la ville ont assuré que les insurgés avaient pénétré dans Tal Afar. Un responsable du gouvernement provincial de Ninive a même annoncé qu'ils en avaient pris le contrôle total. Quelque 200.000 personnes --soit la moitié de la population totale de Tal Afar et de ses environs-- ont fui en raison de l'avancée des jihadistes, selon un responsable municipal, Abdulal Abbas, qui a réclamé une aide internationale. La veille, les insurgés s'étaient emparés d'Al-Adhim, dans la province de Diyala. Massacre 'abominable' Après plusieurs jours de débandade, les forces de sécurité irakiennes ont pourtant affirmé dimanche avoir repris l'initiative, assurant avoir tué 279 insurgés et repris samedi deux villes au nord de la capitale. L'EIIL, connu pour ses exactions en Syrie où il est très actif, a annoncé de son côté sur Twitter avoir massacré 1.700 chiites membres des forces de l'armée de l'air, une affirmation qui n'a pu être vérifiée de manière indépendante, mais qui a provoqué une vive condamnation des Etats-Unis. Dénonçant des actes abominables, le département d'Etat a estimé que l'un des premiers objectifs de l'EIIL (était) d'instaurer la frayeur dans les cœurs de tous les Irakiens et de semer la division entre les différentes confessions religieuses de sa population. Face à l'offensive des jihadistes, qui contrôle également depuis janvier des secteurs de la province d'al-Anbar (ouest), le secrétaire d'Etat américain John Kerry a indiqué que le président Barack Obama procédait à un examen minutieux de chaque option à sa disposition, y compris des frappes de drones. Les Etats-Unis, qui se sont militairement retirés d'Irak fin 2011, sont profondément attachés à l'intégrité territoriale du pays, a-t-il ajouté. M. Kerry a par ailleurs indiqué que Washington était disposé à parler avec Téhéran de la crise en Irak, alors que des représentants des deux capitales, en froid depuis 34 ans, doivent négocier lundi à Vienne sur le dossier du nucléaire iranien. Je n'exclurais rien qui puisse être constructif, a déclaré à ce sujet le secrétaire d'Etat américain à Yahoo News. Le chef de la diplomatie britannique, William Hague, s'est pour sa part entretenu par téléphone avec son homologue iranien Mohammad Javad Zarif, selon un porte-parole du Premier ministre britannique David Cameron, qui n'a pas dévoilé le contenu de la conversation. Evacuation de personnel diplomatique Inquiets de l'évolution de la situation sur le terrain, les Etats-Unis et l'Australie ont commencé à évacuer leur personnel diplomatique de la capitale. Des employés américains seront transférés vers les consulats d'Erbil (nord) et de Bassora (sud), des régions irakiennes épargnées par les violences, et d'autres vers l'ambassade des Etats-Unis en Jordanie, a expliqué le département d'Etat. Washington a annoncé par ailleurs l'envoi de renforts autour de son ambassade située dans la Zone verte de Bagdad, déjà hautement sécurisée. Alors que les divisions confessionnelles sont extrêmement fortes en Irak, les sunnites, au pouvoir sous Saddam Hussein, s'estimant marginalisés par les autorités dominées par les chiites, l'Arabie saoudite a réclamé la formation d'un gouvernement d'union nationale. Ryad a estimé que la politique confessionnelle du Premier ministre chiite Nouri al-Maliki avait conduit à la déstabilisation du pays. Dans des propos similaires, le ministre qatari des Affaires étrangères a affirmé que la marginalisation des sunnites expliquait en partie les développements actuels.