C'est un appel du pied à l'aide internationale que le chef du département d'Etat américain, John Kerry, a entendu de la bouche du Premier ministre irakien, Nour al-Maliki, au cours d'une rencontre, hier, à Bagdad. « Ce que subit l'Irak actuellement constitue une menace non seulement pour le pays mais aussi pour la paix dans la région et le monde », a averti le responsable irakien, exhortant tous « les pays, notamment ceux de la région, à prendre cela au sérieux ». La rencontre entre les deux hommes s'inscrit dans le cadre d'une tournée diplomatique dans la région et en Europe du chef de la diplomatie américaine. Une mission cruciale qui porte principalement sur les efforts visant à convaincre le Premier ministre irakien de former rapidement un gouvernement d'union nationale. S'agit-il d'un désaveu vis-à-vis al-Maliki ? Au Caire, Kerry a affiché une prudente neutralité en appelant les dirigeants irakiens à dépasser leurs divisions confessionnelles. Il a assuré que son pays — qui a rapatrié ses troupes fin 2011 après 8 ans d'occupation — n'était « pas responsable » de la situation actuelle et ne cherchait pas à « choisir » un leader pour l'Irak. Selon lui, les minorités kurde et arabe sunnite et certains parmi la communauté chiite, dont est issu al-Maliki, ont exprimé leur désaveu de la gestion du gouvernement accusé d'avoir alimenté par sa politique « confessionnelle » l'offensive d'insurgés sunnites qui ont rapidement progressé face à la débandade de l'armée et des forces de sécurité, dont al-Maliki est le chef suprême. Relayant le plan de sortie de crise du chef du département d'Etat, ses homologues de l'Union européenne, réunis à Bruxelles, ont demandé « instamment » la formation en urgence d'un gouvernement d'union « afin de trouver une solution à la détérioration rapide de la situation dans le pays ». La menace ne laisse personne indifférent. Car sur le terrain, les groupes terroristes de l'Etat islamique d'Irak et du Levant (EIIL) ne cessent d'engranger de nouvelles conquêtes. Ils se sont emparés, au cours du week-end, de trois villes d'Al-Anbar, province stratégique et frontalière notamment avec la Syrie, où ils veulent créer un Etat à cheval sur des territoires entre la Syrie et l'Irak. Hier, ils ont annexé la ville de Tal-Afar et son aéroport, autre localité stratégique située près de Mossoul qu'ils contrôlent depuis le 10 juin, en dépit de la résistance de l'armée irakienne qui commence timidement à relever la tête, reconquérant certaines villes, mais sans toutefois réussir à stopper l'avancée des djihadistes. La résistance des troupes loyales n'a pas été sans conséquence. Le porte-parole du Premier ministre pour les affaires de sécurité, Qassem Atta, a déclaré que des « centaines de soldats » avaient été sauvagement tués par les djihadistes à Salaheddine, Ninive, Diyala, Kirkouk et les zones où se trouvent les terroristes tandis qu'au sud de la capitale irakienne, 69 détenus ont été tués, hier, par les terroristes. Les « succès » militaires en boucle des groupes terroristes et leur avancée vers la capitale inquiètent de plus en plus l'opinion internationale et les Etats-Unis en premier lieu, dont une intervention militaire n'est plus totalement exclue.