Le secrétaire d'Etat américain John Kerry est arrivé lundi à Bagdad pour des consultations sur la crise en Irak où les insurgés sunnites consolident leur présence dans l'ouest du pays, frontalier de la Syrie et de la Jordanie. La visite du responsable américain intervient alors que les insurgés ne cessent d'engranger de nouvelles conquêtes et se sont emparés au cours du week-end de trois villes de la province d'Al-Anbar. Cette province stratégique est frontalière notamment avec la Syrie, où les jihadistes de l'Etat islamique d'Irak et du Levant (EIIL), qui mènent l'offensive en Irak et dont l'objectif est de créer un Etat à cheval sur des territoires entre la Syrie et l'Irak, sont déjà fortement implantés. M. Kerry effectue une mission diplomatique qui l'a mené dimanche en Egypte et en Jordanie, avant Bruxelles et Paris. Sa tournée porte principalement sur les efforts visant à convaincre le Premier ministre chiite, Nouri al-Maliki, de former rapidement un gouvernement d'union nationale. Les entretiens entre les deux responsables ont commencé en fin de matinée. Au Caire, le chef de la diplomatie américaine a lancé un appel aux dirigeants irakiens pour qu'ils dépassent les divisions confessionnelles et a assuré que son pays -qui a rapatrié ses troupes fin 2011 après 8 ans d'occupation- n'était pas responsable de la situation actuelle dans le pays et ne cherchait pas à choisir un leader pour l'Irak. Selon lui, les minorités kurde et arabe sunnite et certains parmi la communauté chiite, dont est issu M. Maliki, ont exprimé leur désaveu de la gestion du gouvernement. M. Maliki, Premier ministre depuis 2006, est accusé par ses opposants de l'intérieur et de plus en plus par l'allié américain, d'avoir alimenté par sa politique confessionnelle l'offensive d'insurgés sunnites qui ont rapidement progressé face à la débandade de l'armée et des forces de sécurité, dont il est le chef suprême. Les divisions empêchent la formation d'un cabinet Depuis le 9 juin, les jihadistes de l'EIIL qui combattent aussi le régime de Bachar al-Assad en Syrie ont mis la main sur Mossoul, deuxième ville d'Irak, une grande partie de sa province Ninive (nord), de Tikrit et d'autres secteurs des provinces de Salaheddine (nord), Diyala (est) et Kirkouk (nord), et tiennent désormais quatre villes d'Al-Anbar, Fallouja, Al-Qaïm, Rawa et Aana ainsi que partiellement celle de Ramadi. L'Irak n'a toujours pas de cabinet après les législatives d'avril dernier. Le bloc de M. Maliki est arrivé en tête de ce scrutin, mais ne parvient pas à former un gouvernement tant les divisions sont profondes. Jeudi, le président Barack Obama a clairement signifié que seule une direction non confessionnelle pourrait sortir l'Irak de son épreuve actuelle, dans ce qui constitue une autre remontrance contre M. Maliki. Le président américain a toutefois annoncé l'envoi de conseillers militaires pour aider l'armée irakienne à faire face à la vaste offensive des insurgés, mais a exclu dans l'immédiat des frappes aériennes. Dans une interview dimanche, il a mis en garde contre les dangers que représentait l'offensive des insurgés sunnites en Irak pour la stabilité de la région toute entière. D'une manière générale, nous devons rester vigilants. Le problème actuel est le fait que (les combattants) d'EIIL déstabilisent le pays (l'Irak), mais ils peuvent aussi bien déborder sur des pays alliés comme la Jordanie, a-t-il déclaré. Selon lui, la population locale irakienne finira par rejeter les extrémistes sunnites à cause de leur violence et de leur extrémisme. Nous avons vu cela de nombreuses fois. Comme par exemple dans la province occidentale d'Al-Anbar durant la guerre en Irak où des tribus sunnites se sont soudainement soulevées contre eux à cause de leur idéologie extrémiste, a dit Barack Obama. La Jordanie, également frontalière avec Al-Anbar, accueille quelque 600.000 réfugiés syriens sur son territoire, et est confrontée depuis longtemps à des questions de sécurité liées à ses propres jihadistes. M. Kerry est attendu ultérieurement en Belgique et en France.