C'est ce qu'a affirmé hier le directeur de l'institut du rein (en phase de réalisation a Blida), le professeur Rayane, néphrologue et président de la Société algérienne de néphrologue, dialyse et transplantation (SANDT). Lors d'une conférence organisée hier au centre de presse d'El Moudjahid, sous le thème « le don d'organes : un nouveau combat pour la vie », il a estimé que la situation est très préoccupante du fait que le nombre de greffes rénales effectuées cette année est nettement insuffisant face au nombre limité de centres greffeurs et à l'absence de prélèvement à partir des donneurs cadavériques. Le conférencier, qui confirme que les patients insuffisants rénaux chroniques en attente d'une greffe sont au nombre de 13 500, indique que deux greffes rénales seulement ont été réalisées depuis sept ans à partir d'un donneur en mort encéphalique. Il s'agit d'un jeune de Blida, décédé dans un accident de la circulation et dont les parents ont accepté, après en avoir été convaincus, de donner ses deux reins deux personnes. Deux organes, le pancréas et le foie du même cadavre, ont été aussi donnés mais faute de moyens, les greffes n'ont pas été réalisées. Le président de la SANDT explique qu'en raison de l'allongement de l'espérance de vie, de l'augmentation de la prévalence du diabète et de l'hypertension artérielle ainsi que de l'absence d'une politique de prévention, le nombre de patients nécessitant une thérapeutique rénale atteindrait 20 000 dans les cinq prochaines années alors le coût inhérent à la prise en charge en hémodialyse s'élèverait à 20 milliards DA par an. La prévalence de l'insuffisance rénale chronique terminale (IRCT) en Algérie a atteint 410 cas par million d'habitants cette année, et le nombre de cas incidents est estimé à 3500 nouveaux cas par an alors que 13.500 patients bénéficient actuellement d'un traitement par une suppléance extra rénale dans les 250 centres répartis à travers tout le territoire national.Pour le professeur, le développement de la transplantation rénale en tant que traitement idéal en cas de défaillance rénale, malgré des dispositions légales et religieuses favorables, reste inadapté devant la forte demande (6 000 patients en liste d'attente).Ce sont environ 100 greffes rénales qui sont effectuées chaque année. Ce chiffre est complètement dérisoire pour le professeur qui appelle à multiplier ce nombre de greffes par cinq. Toutefois, il affirme que cet objectif ne pourrait en aucun cas être atteint si le don des organes à partir des vivants et celui des cadavres ne se développe pas parallèlement. Evoquant le don des organes à partir du cadavre qui reste l'unique solution pour répondre à la forte demande, le Pr Rayane explique qu'il n'existe pas d'opposition affichée par les autorités religieuses ni d'empêchement légal en cas de prélèvement d'organes sur une personne en mort encéphalique, mais il faut le consentement explicite, c'est-à-dire du donneur ou de la famille, comme le prévoit la loi algérienne. Le scientifique explique que pour éviter les réticences ou le refus, il faudrait réfléchir à amender certaines dispositions contenues dans les textes (l'absence de refus avant le décès devrait signifier un accord du don après le décès, ce qui correspond à un consentement présumé). Il cite l'exemple de la France, un pays où 70% de la population sont inscrits sur un registre de vœux de refus ou pas de don d'organes à des malades. « Il faut réfléchir à élargir le cercle des donneurs vivants qui, actuellement, est limité aux ascendants collatéraux et descendants. Cet élargissement pourrait s'étendre aux grands parents, oncles et tantes, cousins germains, et les donneurs ayant les liens d'alliance en particulier le conjoint et les autres membres de la famille », soutient-il. «GARE AU PRIVÉ !» Le Pr Benabadji appelle à l'actualisation des lois pour donner une chance au couple de vivre. Il a confirmé que dans son service hospitalier, il y a plus de 60 couples qui attendent d'être greffés. « Laissez-moi greffer, donnez-moi la possibilité et les moyens de greffer dans le secteur public ou privé », lance le professeur Benabadji qui sera interrompu par le Pr Rayane, après avoir évoqué le secteur privé. « Je suis contre les greffes effectuées chez le privé. Dans notre pays, une médecine à deux vitesses, c'est dangereux. Ça peut ouvrir une brèche pour le trafic d'organes. Il est vrai que le prélèvement d'organes ne fonctionne pas bien dans le public compte tenu de plusieurs paramètres, mais chez le privé, seul l'argent est important », assène-t-il.