Cela fait déjà quelques années qu'on remue de la terre à la place des Martyrs à Alger, près de la mosquée Ketchaoua. Que les citoyens se rassurent, ce n'est pas pour rechercher du pétrole. Mais pour établir un contact authentique avec l'histoire de la ville des Béni-Mezghenna. El-Bekri, historien et membre influent du Khalifat omeyyade d'Espagne avant sa chute, avait décrit un des murs de soutènement de la grande mosquée d'Alger (Djamaa El-Kebir) comme un reste d'édifice ancien qui fait que Dzeïr (Alger), selon lui, fut «la capitale d'un grand empire». Lequel ? Il ne le précise pas. Les fouilles en cours se situent donc bien au cœur du centre de gravité originel de la ville qui, avant d'affronter sa dernière invasion en date (celle de 1830), en avait connu bien d'autres. Certaines venues du Levant pour inaugurer des échanges commerciaux, d'autres pour l'occuper sans autre forme de procès comme l'empire romain, à la suite de la chute de l'Etat du dernier des Aguelid massyles. Quand Solin, le grammairien romain débarque à Icosium (Alger antique) au quatrième siècle de notre ère, la première référence à laquelle il pense tient de la légende pure. Voici ce qu'il note à ce propos dans son «Polyhistor : «Nous ne partirons pas d'Icosium sans vous dévoiler son histoire..». Et il se met à raconter la légende d'Hercule quand, de passage devant Alger à destination du Jardin des Hespérides plus à l'Ouest, se voit abandonner par 20 de ses compagnons à l'entrée de ce qui deviendra plus tard la rade du port et là sur des rochers à fleur d'eau, entreprennent de construire une ville qui portera le nom d'Ekosi. Qui signifie 20 en phénicien. Au-delà, s'il fallait justifier le bien-fondé des fouilles archéologiques en cours à la place des Martyrs, on citerait comme exemple celles entreprises non loin de là et qui ont donné des résultats plus que satisfaisants en 1940. En effet, alors qu'en Europe la France venait de capituler face aux hordes hitlériennes à Alger, selon un plan d'urbanisation datant d'une dizaine d'années, les autorités de la cité sous tutelle du gouvernement de Pétain, entreprirent simultanément, d'un côté de démolir la partie de la Casbah prolongeant la cité antique jusqu'à la mer et de l'autre en fouillant son emplacement. Résultat, la Basse-Casbah disparue, on découvrit dans ses entrailles un habitat rappelant l'architecture d'Icosium et dans l'une des bâtisses le composant un entrepôt dans lequel les archéologues ont découvert une jarre regorgeant de monnaie phénicienne en or : résultat du commerce établi entre Alger et le pays de Canaan. C'est la preuve irréfutable qui avait manqué jusque-là à la ville d'Alger pour faire connaître son âge : 32 siècles ! Ceci, bien sûr, nonobstant le moment où l'on découvrirait des preuves archéologiques supplémentaires ou des écrits qui confirmeraient les dires d'El-Bekri sur le mur septentrional de la grande mosquée d'Alger.