Depuis mardi, la police a interdit la vente illicite et le stationnement anarchique dans les rues de la Basse-Casbah. Pour éviter la reconstitution du marché informel à la place des Martyrs, à Ketchaoua et à Ahmed Bouzrina, un dispositif de sécurité est mobilisé en permanence. Les trabendistes n'ont pas réagi à la mobilisation de la police, du moins jusqu'ici ici. Une semaine après l'Aid, les nombreux dortoirs de la Basse-Casbah demeurent silencieux. Contrairement à d'habitude, la clientèle se fait très rare. Renseignement pris, il s'avère que le quartier est devenu inhospitalier au point où un grand nombre de personnes qui logent dans ces hôtels déclassés ont préféré quitter les lieux. C'est que la Basse-Casbah vit un événement majeur ces jours-ci : les trabendistes, pour la plupart étrangers au quartier, ne sont plus autorisés à dresser leurs tables de vente dans les rues et ruelles de l'ancienne ville. Tout a commencé mardi dernier quand la police à investi l'endroit. Les agents de l'ordre, armés de gourdins, ont été postés par groupes de deux à trois éléments, au long des rues Ahmed Bouzrina (Ex-la Lyre), Hadj Amar, la place Ibn Badis (Ketchaoua), Bab Azzoun et la rue Bab El Oued qui traverse la place des martyrs de bout en bout. Auparavant, toutes ses artères étaient livrées au commerce parallèle, du lever du jour jusqu'à la tombée de la nuit. L'activité changeait en fonction de l'actualité et attirait des milliers de gens notamment les femmes, à la recherche des produits bon marché. Les commerçants informels subissaient de temps à autre les descentes de la police qui les obligeait à se replier vers les ruelles et les impasses à chaque fois qu'un haut responsable ou une délégation étrangère venait visiter la mosquée Ketchaoua par exemple. Les vendeurs regagnaient leur emplacement aussitôt les «intrus» repartis. La wilaya s'est même vanté d'avoir reconquis, en 2007, la rue de la Lyre. Mais c'était sans compter sur l'acharnement des vendeurs à vouloir s'y réinstaller. Les trabendistes se sont toujours pris pour les maîtres des lieux. Ils occupaient les trottoirs et la chaussée dans tout le quartier où les points d'accès sont très difficiles même les déplacements à pied. Les policiers n'intervenaient que quand les automobilistes coincés dans les marées humaines commençaient à klaxonner sans interruption. Pas plus loin que dimanche dernier, la place Ketchaoua était bouchée à cause des vendeurs à la criée, les agents sont venus à leur secours. L'intervention est molle comme de coutume : «S'il vous plaît, retirez-vous vers les trottoirs», disait un policier à un trabendiste. Celui-ci a pris tout son temps pour s'exécuter. Depuis quatre jours, les services de sécurité ont changé radicalement de méthode à l'égard du trabendo. Après avoir nié que le phénomène soit de sa seule responsabilité, la police a donc décidé d'en faire son affaire. «Cette fois-ci c'est sérieux !», se réjouit un commerçant. Une fois les trabendistes empêchés de poser leurs tables, la police a occupé le terrain de façon permanente. Avant le lever du jour, les agents sont sur place ; à 21h, ils sont encore en poste. Pendant toute la journée de jeudi, le dispositif de sécurité est demeuré mobilisé. De temps en temps, un hélicoptère survolait la zone. A la faveur de cette opération d'une ampleur sans précédent, la rue Bab Azzoun est devenue plus accessible aussi bien aux automobilistes qu'aux piétons. Les trabendistes ont disparu des arcades. Les policiers faisaient des allers-retours, à pied, d'un bout à l'autre de la rue qui relie le square port Saïd à la place des Martyrs, afin de se montrer plus persuasifs à l'égard des contrevenants. L'interdiction ne se limite pas qu'au trabendo. Elle concerne aussi le stationnement. Désormais, les automobilistes sont tenus de respecter la loi en la matière : l'immobilisation des véhicules est tolérée uniquement sur un côté de la rue, tous les 15 jours. A la place des Martyrs, les transporteurs peuvent maintenant fréquenter les arrêts sans difficultés. Avant, l'endroit était transformé en marché des effets vestimentaires. Son envahissement a poussé à plusieurs reprises la direction du transporteur public, Etusa, à délocaliser ses arrêts. Tout au long de la rue Bab El Oued, trois fourgons de la police se trouvent stationnés. Le premier est garé à l'entrée de Ketchaoua, le deuxième en face d'un café et le troisième du côté du marché de proximité Zoudj Ayoun. Un autre fourgon est stationné au pied de la mosquée Ketchaoua elle-même. Deux autres véhicules sont immobilisés au long de la rue Bouzrina. Les seules voies où le trabendo était encore en activité sont les rues Amar El Qama, Ali Amar (Ex-Randon) et Abdelmalek Chardid. L'Ex-Randon est réputée pour le commerce en gros des produits pyrotechniques et des effets vestimentaires. Sur place, il n'y a aucune présence policière. Une partie de cette rue, du côté du marché Bouzrina, n'est pas investi par les vendeurs. A leur place, plusieurs véhicules se trouvent garés. Mais aux environs du café d'Orient et jusqu'au marché Ali Amar, le décor est toujours le même. A ce niveau, l'occupation de la voie et de la chaussée est principalement l'œuvre des boutiquiers eux-mêmes. Au lieu d'exposer leurs marchandises normalement dans les magasins, ils préfèrent les étaler sur les trottoirs afin d'éviter que des trabendistes s'y établissent. Effets d'entraînement Une fois que la police a occupé les lieux, sans qu'aucun incident ne soit enregistré, c'est le tour des autres établissements de wilaya de se mobiliser. Dans toutes les rues où l'on remarque en fait la présence des agents en bleu, il y a toujours des travailleurs d'Asrout. Que ce soit à Bab Azzoun ou à Ahmed Bouzrina, la tâche est la même. Il s'agit de nettoyer les avaloirs, rassembler les gravats et les détritus et les collecter. Net-com est également de la partie. Ses éléments tentent d'éliminer les grosses décharges qui se constituent à tout moment devant le magasin «Printemps» de Bab Azzoun, dans les arrêts de bus réservés à l'Etusa et à l'entrée de la rue Bouzrina, du côté de Ketchaoua. Les bacs à ordures sont vidés et bien alignés dans chaque point de collecte. Ceux qui sont encore pleins de déchets sont soigneusement fermés. Il n'y a que la saleté de ce matériel qui agresse les regards. L'établissement pousse son intervention jusqu'à laver la route dans certains emplacements. La mobilisation était donc générale. Dans le quartier, les gens, surtout les trabendistes, se posent la même question : «Cette mobilisation va-t-elle durer ?»