Zoudj Ayoune. La Basse Casbah. La petite mosquée Ali Betchine renaît de ses cendres rétablissant dans ce quartier de la vieille ville une partie de sa mémoire. La rue attenante au lieu de culte est un passage étroit, une cote. Propre, pavée, les boutiques, toutes situées à main gauche, aux portes en fer sont fermées pour la plupart. Il y avait autrefois dans cette ruelle protégée par «Sidi Hlal» dont le mausolée n'est plus, un marchand de charbon. Une gueule noire qui n'est jamais descendue dans les entrailles d'une mine mais qui à force de travailler dans la vente de ce combustible avait pris la couleur anthracite. Avant de grimper les quelques marches menant vers le haut de Zoudj Ayoune, une échoppe, celle du couple de matelassiers. Nachida Sahbane, l'épouse de l'artisan et compagne contre vents et marées est là au fond de l'atelier. Pas bien vaste le magasin. Des colonnes torsadées soutiennent un des murs du commerce. Des piles de tissus d'ameublement, de tous les tons, de qualités, s'entassent sur des étagères dans l'attente d'être réalisés en housses de canapés, de coussins, de tentures et autres rideaux et draperies. Nachida est à sa machine en train de travailler, une machine à coudre industrielle. Femme d'âge moyen, la parole directe, Nachida dit qu'elle a choisi cette activité sur conseil de son époux, matelassier depuis toujours. «En réalité la couture est un travail que j'ai exercé très jeune», dit-elle. Fille de chahid , originaire de Sétif et ayant grandi à Bouzaréah , son quartier de prédilection où elle réside encore, Nachida a été pendant longtemps une modéliste confirmée auprès de marques de vêtements féminins telles «Nora» , Yasmina et autres. «Même si on est la première main dans un atelier de haute couture, le salaire reste en deça de l'effort fourni», observe-t-elle. Alors quand son mari lui conseille de venir faire équipe avec lui elle n'hésite pas à le rejoindre comme coéquipière. «Depuis plusieurs années nous travaillons en commun et le salaire est meilleur. On ne chôme pas. Notre activité est désormais connue dans ce quartier de par la clientèle qui nous est fidèle. On vient pour la confection de «chourâtes» destinées aux futures mariées, de salons algériens en termes ameublement pour le capitonnage, et rembourrage». L'été c'est la période où les ménages émigrés viennent pour des commandes de salons algériens. Ces salles de séjour entièrement aménagées à la mode de «chez-nous» font fureur depuis quelques années ailleurs. «Les familles expatriées profitent de leur séjour pour renouveler la décoration de leurs salons en se rapprochant de notre atelier.» Nachida a une aide, Amel, venue apprendre le métier auprès d'elle. «Je forme comme cela des jeunes femmes qui peuvent s'installer à leur compte une fois devenue de bonnes artisanes. Mon mari également initie les jeunes gens attirés par ce métier de matelassier et de bourreleur», précise-t-elle Monsieur et Madame Sahbane ne regagnent leur foyer à Bouzaréah que le soir. Oubliant les contraintes de la journée de labeur. Même leur fille de 11 ans, Kenza est scolarisée dans le secteur périphérique de l'atelier parental.