La rénovation du vieux bâti et l'autoconstruction, deux dossiers d'importance qui posent un sérieux problème d'urbanisation au pays. Le problème réside dans l'intervention des assemblées populaires communales pour le contrôle des constructions et le recensement du patrimoine immobilier qui devrait avoir un carnet de santé, indique, dans cet entretien, Abdelhamid Boudaoud, président du Collège des experts architectes (CNEA). Le président du Conseil national de l'ordre des architectes (CNOA), Djamel Chorfi, a annoncé, récemment, la préparation d'un texte de loi sur la rénovation du vieux bâti. Où en est la situation de ce patrimoine immobilier ? Le Collège national des experts architectes a appelé chaque commune à recenser et classer son patrimoine immobilier afin de le rénover, le réhabiliter, le conforter ou le démolir. En fait, il s'agit de réaliser une cartographie du parc immobilier de chaque commune. Car, en parallèle, on continue la construction de nouveaux logements. Nous sommes obnubilés par le logement neuf et nous avons délaissé le patrimoine immobilier vétuste. En 1962, l'Algérie avait 1,8 million de logements qui sont actuellement très vétustes, dont 450.000 à Alger, 405.000 autres à Oran, 620.000 à Constantine et 150.000 unités au Sud. Quand l'expertise doit se faire, on ouvre un cahier de santé du bâtiment. Pour l'entretien, il faut avoir un cahier de chantier de cette bâtisse. Et à partir de ce document, on arrive à avoir un cahier d'entretien. Sur le cahier de santé, l'expert doit y figurer ainsi que le nom de l'entreprise qui devra réhabiliter, conforter, rénover ou démolir la bâtisse. Tous les trois à cinq ans, on revoit les lots qui nécessitent un entretien. A ce jour, aucune commune n'a répertorié son patrimoine immobilier. Entre-temps, plusieurs bâtisses ont disparu... C'est une infime partie qui a été démolie ou qui s'est écroulée. Le Collège ne tient pas compte seulement du patrimoine immobilier car il y a aussi l'AEP (alimentation en eau potable) et les fuites d'eau qui touchent 40% du réseau, les réseaux d'assainissement et électrique. Il faut aussi établir des fiches pour établir l'enveloppe financière. Après le séisme de 2003, l'opération de confortement a été, en fait, une opération coup de peinture. Certes, il n'y a pas de main-d'œuvre qualifiée mais nous avons 1.196 centres de formation professionnelle sur le territoire national. Si chaque commune avait répertorié son patrimoine, on aurait formé selon les besoins. D'un côté, on dit qu'il n'y a pas cette main-d'œuvre et de l'autre, on déclare avoir réalisé 1,2 million de logements. L'autre problème est qu'on a greffé la ville au ministère de l'Habitat. Le département de la Ville est interministériel. A ce jour, le ministère de l'Habitat n'a rien dit sur la politique de la ville, sur sa planification, sa gestion et autres. A titre indicatif, le cas d'Alger qui ne répond pas aux normes d'une ville. On parle de ville pour prendre des terrains et réaliser des logements. Combien pourrait coûter la rénovation du patrimoine vétuste ? En 2006, une estimation de 3,5 milliards de dollars a été faite pour résoudre le problème du patrimoine vétuste à l'échelle nationale. Sachez que plus on temporise, plus le coût augmentera. Il faudra expertiser puis estimer et lancer ensuite l'appel d'offres pour conforter, rénover ou démolir. Le plus important est d'avoir une banque de données des matériaux qu'on pourrait injecter dans d'autres bâtiments. Par ailleurs, cette banque de données permettra de déterminer avec quels matériaux on rénove. Pour acquérir le savoir-faire, pourquoi ne pas tisser des partenariats pour la formation de techniciens avec l'Espagne, l'Italie, la Grèce, l'ex-Yougoslavie, Malte, Chypre et la Turquie qui ont de grandes expériences dans ce domaine ? Pour le vieux bâti, si on n'a pas de carnet de santé, c'est qu'on n'a rien. Vous avez réalisé un travail sur La Casbah d'Alger où des maisons continuent à s'effondrer. Que va devenir ce joyau architectural ? La Casbah d'Alger est devenue un fonds de commerce. Depuis son classement en 1992 au patrimoine mondial de l'humanité de l'Unesco, on n'a rien fait pour sa rénovation. Pourquoi ? Je citerai un exemple, le cas de la ville du M'zab à Ghardaïa qui est intacte. En 1981, il y a eu la décision de faire appel aux habitants de La Casbah d'Alger pour rénover leurs propriétés avec des prêts à taux zéro. Dans le cas contraire, le résidant verse sa « douira » (maison) à l'Etat, pour faire de ce site historique un lieu touristique avec le retour des vieux métiers. Mais des gens sont venus et ont commencé à démolir leurs habitations pour bénéficier d'un logement social. Nous souhaitons un engagement du triptyque pouvoirs publics, architectes et habitants de la citadelle. Notre point faible est la communication. Avons-nous des experts qui maîtrisent la rénovation de La Casbah et les matériaux nécessaires à cet effet ? C'est à voir ! La formation d'ingénieurs et architectes spécialisés dans les casbah au niveau des écoles supérieures et des instituts est nécessaire. Selon le président du CNOA, l'auto-construction représente 80% du patrimoine immobilier. Il appelle à la révision des textes en vigueur. Où réside le problème ? Le problème est culturel. Les textes existent mais malheureusement, ils ne sont pas appliqués. L'article 73 de la loi 90-29, toujours en vigueur, stipule que « le wali, le président de l'APC ainsi que les agents assermentés ou commissionnés peuvent, à tout moment, visiter les constructions en cours, procéder aux vérifications qu'ils jugent utiles et se faire communiquer, à tout moment, les documents se rapportant à la construction ». Malgré cela, on se retrouve avec 1,2 million de bâtisses inachevées depuis au moins 15 ans et qui sont hors normes, illicites et ne répondent pas aux règles de l'urbanisme. Chaque ville doit avoir son cachet architectural. Il existe des cahiers des charges qui ne sont pas respectés et qu'on ne fait pas respecter. Heureusement, c'est grâce aux banques qui exigent le permis de construire que nous arrivons à contrôler. Malheureusement, une fois le crédit obtenu, le bénéficiaire réalise des constructions sans le respect des normes puisque certains érigent des immeubles de 5 étages avec des fondations de R+1 (rez-de-chaussée + un étage). Il n'y a pas de suivi, donc ils en profitent. L'Etat a légiféré mais il n'y a pas de stratégie au niveau local. Justement, quelle est la procédure pour l'obtention du permis de construire et quels sont les intervenants ? Une copie du permis de construire est remise à la police de l'urbanisme pour venir contrôler à tout moment et voir si la construction est conforme au plan de l'urbanisme. Dans le cas contraire, un procès-verbal est remis à l'administration qui vient faire arrêter les travaux. Quand le propriétaire d'un terrain dépose une demande de permis de construire, il demande en amont un certificat d'urbanisme avec lequel il s'adresse à un architecte qui doit respecter les normes demandées par la DUCH et inscrites dans le cahier des charges. Il élabore les plans que le propriétaire va déposer au niveau de l'APC. Celle-ci doit répondre dans un délai de trois mois. Malheureusement, ce n'est pas le cas et, entre-temps, le prix du ciment grimpe. Dans la loi 04-05 sur le génie civil, l'ingénieur doit figurer sur le document. L'usager doit aussi contacter ces deux professionnels pour faire le suivi de la construction. En aval, si l'usager ne termine pas avant l'obtention du certificat de conformité, il faudra brancher l'eau, l'assainissement, l'électricité et le gaz. La loi est claire à ce sujet.