Les signes du malaise minent les fondements du socialisme à la française, doutant de la thérapie sur la croissance qui divise. La « crise de régime » qui couve dans la majorité entre les partisans du maintien du cap gouvernemental, prônant la restauration de la compétitivité (aide aux entreprises et coupes drastiques dans les dépenses publiques), et le camp des protestataires, emmenés par l'ancien ministre de l'Economie, Arnaud Montebourg, appelant à une politique alternative hostile à la réduction à marche forcée des déficits publics, jugée « contreproductive pour la croissance et pénalisante pour les couches populaires », a fait éclater le fragile consensus brutalement rompu sur la digue du « pacte de responsabilité », cher au président Hollande qui entend mobiliser 40 milliards d'euros en faveur des entreprises et réaliser 50 milliards d'économies sur trois ans. La revendication de Montebourg en faveur d'une « inflexion majeure » de la politique économique et d'un durcissement de la position vis-à-vis de Berlin n'a pas été entendue. Le divorce inévitable a été prononcé. L'option sociale-libérale de l'économie a fait pencher la balance du côté du nouveau gouvernement de « cohérence », dirigé par le Premier ministre Manuel Valls, reconduit à son poste à la suite d'un léger lifting dans la composante à moitié féminine. 12 des 16 ministres dont le chef de la diplomatie, Laurent Fabius, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, la ministre de la Justice, Christiane Taubira, réputée proche des frondeurs, et le ministre des Finances, sont restés en place. Pour pallier le départ des frondeurs, l'ancienne ministre de la Culture, Najat Vallaud-Belkacem, se voit charger du portefeuille de l'Education, en remplacement de Benoit Hamon. L'ancien secrétaire au Commerce, Fleur Pellerin, prend le département de la Culture, succédant à Aurélie Filippetti. Place donc au « gouvernement de clarté sur la ligne, les comportements, la composition et la majorité » exigé par Hollande, confronté, selon Le Monde, à « la dernière chance pour sauver son quinquennat ». Car le nouveau gouvernement qui se prépare au voté de confiance, prévu en « septembre ou en octobre », aura du mal à conserver le bloc des 307 députés qui lui a permis de disposer d'« une majorité parlementaire (289) confortable ». Il a été abandonné par ses alliés du Parti radical, les Verts et d'une partie de l'extrême gauche. La crise politique a profité aussi à une opposition aux aguets dont plusieurs responsables, telle la présidente du Front national et l'une des personnalités de l'UMP, Valérie Pécresse, ont exigé la dissolution pure et simple de l'Assemblée. Pour faire face au malaise, impacté par le double remaniement en 5 mois, le « gouvernement de cohérence » de Valls est forcément arrimé au choix d'une économie sociale-libérale confiée au jeune et non moins brillant banquier, le jeune ministre Emmanuel Macron, présenté en symbole de la politique en faveur de la promotion de la libre entreprise. Le successeur de Montebourg, ancien conseiller du président Hollande sur les questions économiques et financières et secrétaire général adjoint de la présidence jusqu'au printemps dernier, a conscience que la mission n'est pas de tout repos. « La gauche est censée changer le réel, mais compte-tenu des contraintes, changer le réel sera compliqué », concède-t-il. Il sait qu'il est attendu au tournant. « Jugez-moi sur les actes et sur les paroles. Il n'y a que ça qui compte », a déclaré le nouveau ministre de l'Economie lors de la passation de pouvoirs avec son prédécesseur.