Le nouveau gouvernement de Manuel Valls sera annoncé mardi avec l'espoir de sortir d'une crise politique sans précédent durant ce quinquennat, au point de nourrir les doutes sur l'existence d'une majorité de gauche à l'Assemblée. François Hollande et Manuel Valls devraient mettre la dernière main à cette nouvelle équipe lors d'un déjeuner à l'Elysée à 13h00. M. Hollande souhaite un "gouvernement de clarté" sur la "ligne et les comportements", a expliqué l'Elysée mardi. "Ce ne sera pas un grand remaniement", a assuré mardi matin le porte-parole de la précédente équipe, Stéphane Le Foll. Trois portefeuilles importants au moins changeront de titulaire: Economie, Education nationale et Culture, détenus jusqu'ici par Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et Aurélie Filippetti dont les critiques sur la ligne économique ont généré la plus grande crise politique du quinquennat, avec la démission en 2013 de Jérôme Cahuzac, soupçonné de fraude fiscale. Christiane Taubira (Justice), donnée partante par certains, devrait in fine rester au gouvernement. Moins de cinq mois après la nomination de M. Valls à Matignon, les deux têtes de l'exécutif ont décidé de trancher dans le vif, lundi, le désaccord entre la ligne officielle - restaurer la compétitivité du pays en aidant les entreprises et en coupant dans les dépenses publiques - et la ligne alternative portée par les exclus, hostiles à "la réduction à marche forcée des déficits publics". Après MM. Montebourg et Hamon, Aurélie Filippetti a expliqué les raisons de son départ mardi matin. Le rôle de la gauche est, pour elle, de "porter une politique économique alternative" à celle "menée partout en Europe et qui conduit à une impasse". Les trois ministres ne souhaitaient pas "un changement complet, radical" de cap mais "une répartition un peu différente des efforts" en faveur du pouvoir d'achat, selon elle. Selon l'Elysée, le choix d'une démission de l'ensemble du gouvernement, plutôt que d'un remaniement limité, "visait à s'assurer que le nouveau (gouvernement) s'inscrirait totalement et réellement dans la cohérence de la ligne fixée par le chef de l'Etat". Tous les ministres ont été reçus à Matignon depuis lundi. Destiné à imposer leur autorité, ce geste survient alors que François Hollande, mais aussi Manuel Valls, sont englués dans l'impopularité, selon les sondages, sur fond de marasme économique persistant: une croissance à l'arrêt au premier semestre et un chômage au plus haut. Après l'acte d'autorité posé par le tandem exécutif, la logique voudrait que la gauche du PS, et plus largement le mouvement des "frondeurs", parmi lesquels des proches de Martine Aubry, ne soient pas représentés au gouvernement. Autant dire que la majorité parlementaire du gouvernement risque de s'effriter dangereusement, malgré les déclarations de loyauté de Benoît Hamon et Aurélie Filippetti. Des doutes sur la majorité à l'Assemblée Sauf coup de théâtre, les écologistes d'EELV ne seront pas présents en tant que tels dans le gouvernement Valls II. Pour leur numéro un, Emmanuelle Cosse, "les conditions sont encore moins réunies aujourd'hui qu'en avril". Mais certains parlementaires écologistes, tels Jean-Vincent Placé, Barbara Pompili et François de Rugy, avaient amèrement et publiquement regretté le départ du gouvernement lors de la nomination de Manuel Valls. Seuls les radicaux de gauche du PRG semblent certains de rester associés à l'action gouvernementale, comme dans la précédente équipe, dans laquelle ils avaient trois représentants. Leur dirigeant, Jean-Michel Baylet a été reçu mardi matin une nouvelle fois par M. Valls. A l'Assemblée nationale, le groupe PS et apparentés compte 290 députés, celui du PRG et apparentés, 15, alors que la majorité absolue est de 289. Mais cette crise politique alimente les doutes sur la persistance d'une majorité acquise à François Hollande et Manuel Valls, qui a déjà eu à déplorer jusqu'à 41 défections parmi les parlementaires socialistes sur le programme d'économies présenté en avril. Prudemment, l'UMP, par la voix de son secrétaire général intérimaire Luc Chatel, n'appelle pas officiellement à la dissolution de l'Assemblée nationale, réclamée à cor et à cri par le Front National. "Ce qui est important, c'est qu'ensuite il aille devant le Parlement, qu'il y ait un discours de politique générale, que nous sachions quelle sera la politique de ce gouvernement et qu'il engage sa responsabilité devant l'Assemblée nationale", a fait valoir M. Chatel. Mais à l'image de responsables politiques de tous bords, certains des membres de l'UMP, tel le patron des députés Christian Jacob, envisagent publiquement l'hypothèse d'une dissolution, ce qui constituerait une première depuis celle - ratée - décidée par Jacques Chirac en 1997.