La bataille de Kobané (Aïn el Arab) est décisive. Elle est le cœur battant de l'issue de l'offensive du Daech privé d'une victoire militaire finale. Et si la mystérieuse progression de l'Etat islamique en Irak et En Syrie, réduisant à l'état d'impuissance l'armée irakienne déstructurée, les peshmergas, les milices chiites et autres tribus sunnites, la remarquable résistance du réduit kurde a constitué le grain de sable dans le califat autoproclamé du nouveau Laurence d'Arabie à visage islamiste. La résistance kurde tient bon. En 40 jours de combats, la bataille de Kobané compte plus de 800 victimes dont 481 de Daech, 302 kurdes et 21 civils, selon un décompte de l'OSDH. Assiégées dans le quartier nord, particulièrement dans deux secteurs, Souk el-Hal et Kani Arabane, les forces des Unités de protection du peuple kurde (YPG) ont réussi, samedi soir, pour la 4e nuit consécutive, à repousser toutes les attaques de Daesh pour empêcher le contrôle de la frontière avec la Turquie réticente à intervenir mais autorisant néanmoins le passage des peshmergas par son territoire. Dans le feu de l'action, le front kurde « s'internationalise » par le fait d'une alliance objective des démembrements syriens et irakiens. C'est cette semaine que le renfort des 200 peshmergas est donc attendu à Kobané, alors que le soutien de 1.300 rebelles de l'Armée syrienne libre (ALS), annoncé par Ankara a reçu une fin de non recevoir des résistants kurdes syriens assimilés à des « terroristes » liés au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Dans cette nouvelle configuration, l'émergence de la réalité kurde inquiète la Turquie d'Erdogan menacé par la contagion de Kobané. Un premier coup de semonce : l'attaque des « hommes masqués », attribuée au PKK, dans la région du sud-est de la Turquie majoritairement kurde qui s'ajoute à la protesta secouant cette région 10 jours durant. A la frontière turque, Daech tire désormais au mortier sur une alliance devenue désuète. Les enjeux ont manifestement changé de camp. A quelque vingt mètres du dernier rempart de Kobané, le champ de bataille turc présage d'un élargissement du conflit qui ne laisse pas indifférent Ankara annonçant par la voix du Premier ministre, Ahmet Davutoglu, le renforcement de mesures pour « protéger l'unité nationale et la paix dans le pays » et la sauvegarde du processus de paix jusque-là béni par le leader kurde emprisonné Abdullah Ocalan appelant à un apaisement. Le dilemme turc s'apparente au compromis avec le PKK et le refus de prêter main forte à son démembrement syrien.