Lancée sous forme d'avertissement, la thérapie de choc a été présentée par l'émissaire de l'ONU pour l'Afrique de l'Ouest, Mohamed Ibn Chambas, intervenant lors d'une conférence de presse organisée au nom de la mission de concertation tripartite ONU-UA-Cédéao. « Il faut qu'on fasse tout pour un retour rapide à la vie constitutionnelle », a martelé le médiateur onusien, exhortant les différentes parties au dialogue et l'ouverture des consultations entre les uns et les autres. A l'issue de la mission de concertation, la hiérarchie militaire et le lieutenant-colonel Zida ont assuré « avoir bien compris le message délivré », selon Mohamed Ibn Chambas. Sous peine de « sanctions » et d'un isolement international aux conséquences dramatiques, le Burkina Faso post-Compaoré bat au rythme d'une dynamique révolutionnaire enclenchée pour mettre en échec le projet de révision constitutionnelle et empêcher in fine la « confiscation » du pouvoir. A la place de la Nation, du temps de la figure emblématique Thomas Sankara, baptisée place de la Révolution par les manifestants, la mobilisation n'a pas failli. A l'appel de l'opposition et des organisations de la société civile, la démonstration de force entend barrer la route au nouvel homme fort de la transition, le lieutenant-colonel Isaac Zida. « La victoire issue de l'insurrection populaire appartient au peuple, et par conséquent, la gestion de la transition lui appartient légitimement », ont estimé, dans un communiqué commun, les forces vives au Burkina Faso, soulignant « le caractère démocratique et civil que doit avoir cette transition ». Dans une courte allocution, l'un des leaders du mouvement, le chef du Parti convergence de l'espoir, Jean-Hubert Bazié, a appelé à la vigilance. « Restez mobilisés pour les mots d'ordre à venir », a-t-il lancé aux manifestants. Cette revendication majeure se légitime par la condamnation américaine de la tentative de prise de pouvoir de l'armée. « Nous exhortons les dirigeants civils d'être guidés par l'esprit de la Constitution du Burkina Faso et d'organiser au plus vite une élection présidentielle libre et équitable », a déclaré Jennifer Psaki, porte-parole du département d'Etat américain, dans un communiqué, appelant toutes les parties concernées à éviter de nouveaux épisodes de violence. De son côté, la présidente de la Commission de l'Union africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma, avait adressé un appel aux « acteurs politiques et la société civile du Burkina Faso à travailler ensemble dans un esprit de consensus et de responsabilité pour convenir d'une transition civile et inclusive devant déboucher sur la tenue, aussi rapidement que possible, d'élections libres, régulières et transparentes ». Les exigences de la transition civile constituent non seulement une réponse aux attentes populaires, mais représentent l'image de la nouvelle Afrique « unie et forte », en rupture avec la culture du putschisme et engagée dans la mue démocratique. Ce destin, voulu par les nouveaux bâtisseurs de l'Afrique et clairement codifié par le sommet d'Alger (12 au 16 juillet 1999), impose l'alternative de la transition civile garante de l'approfondissement du processus démocratique inéluctable et du retour à la stabilité d'un pays qui retrouve son calme. Les signes de l'apaisement sont perceptibles. Les frontières aériennes ont été rouvertes et le couvre-feu allégé, reste toutefois en vigueur de 22h (contre 19h auparavant) à 6h.