À l'initiative de l'artiste plasticienne Souad Douibi, le « haïk en ville », a été une attraction particulière, samedi dernier, pour ceux qui ont arpenté les principales rues de la capitale. Elle a voulu, à sa manière, frappante et originale, fêter le 60e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération. Sur son compte facebook, elle a posté une invitation destinée aux femmes, les exhortant à sortir avec le haïk. L'opération « Belaredj, moi et mon haïk en ville » n'a laissé personne indifférent. L'écho qu'elle a rencontré n'a pas tardé à faire le buzz et la toile s'est enflammée. Plusieurs femmes sont sorties drapées de haïks immaculés assortis de voilettes. Le spectacle était beau et, pour certains, émouvant. Il a replongé bien des personnes dans leur enfance. Le geste a ressuscité une époque où le tchador était inconnu. Souad Douibi a été catégorique. Elle ne veut pas qu'on s'y méprenne sur son geste. « Je suis l'esclave de mes idées, je n'appartiens à aucune institution, je n'ai jamais donné une dimension religieuse ou même politique à mes performances, je fais de l'art et je m'exprime librement. » Djaouida a troqué, depuis des années, son haïk pour un ample hidjab. Cette mère de famille portait le premier jusqu'aux années 90. Elle se dit d'accord pour ressusciter ce pan oublié de notre identité. Toutefois, pour des raisons pratiques, elle préfère le hidjab avec le foulard. Elle est consciente que le nikab, le foulard, le khimar et le tchador ne font pas partie de notre culture. « Mais il faut suivre la mode, la tendance du moment pour se couvrir de la tête aux pieds comme recommandé dans le Coran », a-t-elle expliqué. Elle ajoutera que le haïk n'est pas commode. « Son port ne permet pas d'avoir les deux mains libres », a-t-elle indiqué. Ce n'est pas l'avis de Souad qui n'a jamais porté de haïk et encore moins le hidjab. Pour elle, bien que le haïk fasse partie de notre identité, il ne doit pas être mis aux oubliettes et remplacé par d'autres accoutrements étrangers à notre culture. Des Associations sur le terrain Grâce à certaines volontés et associations, le haïk est redevenu un objet de débat et de rencontres conviviales. L'association « Les amis de la rampe Louni Arezki », présidée par Lounis Aït-Aoudia, et l'association « El-Hadria », présidée par Achour Abdelkader, militent pour que les traditions d'antan ne meurent pas ou que leur soient substituées d'autres pratiques étrangères à nos valeurs et coutumes. Aussi bien l'une que l'autre, elles veillent au grain en organisant, régulièrement, des rencontres conviviales autour du haïk. De grandes personnalités viennent débattre de notre identité, nos valeurs ancestrales et nos coutumes qui se perdent au fil du temps. Slimane Hachi, directeur du Centre national de recherches anthropologiques, préhistoriques et historiques (Cnprah), a développé, récemment, une rétrospective thématique des dispositifs réglementaires inhérents à l'application de la Convention internationale du patrimoine matériel et immatériel de l'humanité lors d'une rencontre au palais des arts de La Casbah. Lounis Aït-Aoudia avait axé son intervention sur la réappropriation mémorielle du haïk à la lumière de la charge historique qui émane de ce symbole identitaire de la résistance culturelle dans le cycle des âges et du temps. Dans cette perspective, il a été soutenu que pour sa survivance mémorielle en société, la nouvelle mission du haïk doit s'orienter vers la massification de son impact de tenue nuptiale qui supplantera ainsi la robe de mariée occidentale. Le haïk a déjà retrouvé sa place dans les mariages. D'autres personnalités, comme Nadia Dridi, présidente de l'Association nationale de promotion et de protection de la femme et de la jeunesse, militent pour que le haïk ne disparaisse pas en emportant un pan de notre mémoire collective.