Hormis peut-être Yasmina Khadra, peu d'auteurs Algériens auront connu, ces dernières années, l'exceptionnelle visibilité de Kamel Daoud. Et la raison n'est sans doute pas à chercher seulement dans le flux d'informations démultipliées par les réseaux sociaux ou dans le thème traité dans son premier livre. Traiter de sujets liés à la figure de Camus intéresse sans doute plus que les tribulations d'une famille de paysans dans la campagne algérienne. Ce n'est pas à Azzedine Bounemeur, dont l'œuvre est enracinée dans l'histoire de la guerre de libération, qu'on accordera autant d'intérêt. Mais la réussite du livre sur le plan formel et dans le double regard porté sur deux époques est une réussite. En France, son livre a eu un grand impact et dans « le Monde », une pleine page cette semaine recensait les critiques dithyrambiques qui ont salué la parution de « Meursault, contre-enquête ». De Jack Lang, qui trouve « la langue superbe », à Valérie Trierweiler, qui parle de « style majestueux », on tresse des lauriers à l'auteur. Pour un coup d'essai, ce fut un coup de maître dont ne peuvent se prévaloir des auteurs aussi importants que Boudjedra ou Nabil Farès. Généralement, la consécration pour un écrivain vient au terme d'un patient travail et parfois elle ne vient même pas. Il est comme ce coureur de demi-fond qui doit réserver ses ultimes accélérations à la dernière partie de la course. Tahar Benjelloun et Amine Malouf, les deux seuls lauréats originaires du monde arabe, ont obtenu le si convoité prix Goncourt alors que l'un et l'autre n'étaient plus au début de leur carrière. Et si ce soudain triomphe comportait aussi un risque ? Un auteur comme Kateb Yacine a vu son nom définitivement associé à « Nedjma ». Kamel Daoud saura-t-il transcender cette gloire prématurée ? Quand on place la barre très haut, n'est-il pas difficile de maintenir le même rythme et de produire des œuvres qui feront difficilement oublier celle qu'il devient difficile de dépasser. Il est beaucoup d'auteurs dont le nom reste accolé à un seul titre, n'ayant jamais pu en écrire de meilleurs. Au début de sa carrière prometteuse, Kamel Daoud doit vite explorer d'autres univers et redevenir autant que possible étranger à « l'Etranger »