A mi-mandat, le président démocrate Barack Obama révèle au grand public les pires atrocités de la « mondialisation de la torture » de l'ère Bush junior. Dans un rapport parlementaire accablant, présenté par le Sénat, le réquisitoire sans concession sur les techniques d'interrogation de la CIA, exécutées sur des centaines de détenus d'El Qaïda, dans les prisons secrètes essaimant 54 pays, s'interprète comme une véritable mise à nu de l'administration républicaine, accusée de pratiquer le mensonge d'Etat et d'inefficience. « A aucun moment » le recours aux interrogatoires musclés n'a permis de recueillir des renseignements sur les menaces d'attentats imminentes, signale le rapport, égrenant les méthodes, jugées par Obama, « contraires aux valeurs des Etats-Unis » : privations de sommeil, isolement et confinement, simulation de noyade, intimidations et menaces d'exécution des proches...Le programme honni des « sites noirs », qualifiant les « choix douloureux » des « années difficiles », se plaît à souligner Obama, impose le devoir de reconnaissance et de mémoire pour remettre l'Amérique dans des « perspectives » plus adéquates. « Nous avons fait une erreur, nous la reconnaissons », a déclaré le vice-président Joe Biden. Une partie du camp républicain crie au scandale et dénonce un rapport qui « rouvre les vielles blessures » au moment où le « monde brûle », comme le soutient le sénateur Saby Chambliss dont la position a trouvé un écho seulement dans le Front national français, qui considère « utile » et « excusable » le recours à la torture dans les affaires terroristes. L'onde de choc a durement atteint les Républicains désavoués par les leurs. Le sénateur John McCain, ancien candidat à la présidence, n'est pas resté de marbre. « Il ne s'agit pas de nos ennemis, il s'agit de nous. Il s'agit de ce que nous étions, de ce que nous sommes et de ce que nous voulons devenir », a-t-il affirmé dans un témoignage poignant. Mais, il s'est davantage fait ressentir au sein de la communauté internationale « qui savait », a indiqué le rapporteur des Nations unies sur les droits de l'Homme, Ben Emmerson. « Une politique a clairement été orchestrée à haut niveau dans l'administration Bush, qui a permis des crimes systématiques et des violations flagrantes des droits de l'Homme internationaux », a-t-il précisé. Des accusations que l'Union américaine de défense des libertés a relayées. « C'est un rapport scandaleux et il est impossible de le lire sans se sentir indigné par le fait que notre gouvernement a perpétré ces crimes atroces », a reconnu son directeur général, Anthony Romero. Le « feu vert », relève Amnesty International, a été donné pour commettre en toute impunité « ce que la loi internationale sur la torture et les disparitions qualifie de crimes ». L'ONG Human Rights Watch s'est, quant à elle, insurgée contre la politique mensongère de l'administration Bush. Toute poursuite étant complètement exclue pour insuffisance de preuves, le débat s'oriente sur les retombées de la crise des valeurs révélées. « Si les 119 détenus, qui ont été soumis au programme d'interrogatoire secret méritent que la vérité soit dite, les 3.500 personnes qui ont été tuées ne le méritent-elles pas également ? », s'est interrogé le chercheur Micah Zenko, du Council on Foreign Relations, centre de réflexion basé à New York.