C'est dans la discrétion la plus absolue que la fin de mission de la « guerre la plus longue », aux yeux du président américain, a été célébrée, hier, « de façon responsable » par l'Otan. La cérémonie, conduite par le commandant de l'Isaf au quartier général de Kaboul, le général américain John Campbell, s'est entourée du plus grand secret pour pallier aux risques persistants d'attentats. Cela suffit aux yeux des observateurs pour conclure à l'échec de l'intervention militaire, menée sous la bannière de « la lutte contre le terrorisme international » par la coalition internationale forte d'un contingent, majoritairement américain, de 130.000 soldats issus d'une cinquantaine de pays. Désormais, en guise de retraite forcée, la mission « Soutien résolu », réduite à 12.500 hommes, prendra le relais de la défunte Isaf (force de l'Otan en Afghanistan) laminée par une guerre impériale perdue. Le coût de l'invasion ? 3.485 soldats de l'Otan morts depuis 2001 dont 2 300 G'is et... 1.000 milliards de dollars. Dans le camp afghan, les pertes sont plus lourdes. Plus de 4.600 soldats ont trouvé la mort au cours des 10 premiers mois de l'année 2014 seulement. Les victimes civiles, en augmentation de 18% (3.188) en 2014, selon les Nations unies, attestent des paradoxes d'une invasion voulue par l'Amérique de Bush au nom de la « guerre préventive » et désertée par l'Amérique d'Obama au nom du désengagement. Tous les mythes fondateurs de l'Empire, déployant l'étendard de la lutte contre le terrorisme et la démocratisation, ne convainquent plus personne. Si l'opinion américaine se déclarait, au début des hostilités, acquise à l'offensive militaire pour « empêcher l'utilisation de l'Afghanistan comme base terroriste », le vent a bel et bien tourné pour révéler un scepticisme croissant sur l'issue victorieuse du conflit du reste clairement exprimé par les militaires qui estiment, dans une grande majorité (77%), selon un récent sondage, que la mission est loin d'être accomplie. Cette perception a trouvé même un écho dans l'état-major redoutant l'effondrement de l'armée afghane tenaillée par le syndrome irakien et, conséquemment, la consolidation des talibans à la manière de la résurgence de Daech. Le verdict est sans appel. « Les talibans n'ont clairement pas le pouvoir qu'ils avaient en 2001, mais ils sont loin d'être vaincus », estime Vanda Felbab-Brown, analyste au centre de réflexion Brookings. « Si l'Amérique siffle, sans aucun triomphalisme marquant, la fin de mission, la bataille n'est pas terminée. Elle opposera les forces de sécurité afghanes, fortes de 350.000 hommes » et encadrées par les 12.500 éléments de la mission « Soutien résolu », aux talibans réitérant leur refus de toute négociation de paix « en présence des troupes de l'Otan ». Confrontée à « son grand test », comme le souligne Carter Malkasian ayant travaillé pendant deux ans pour la diplomatie américaine dans la province du Helmand, l'armée afghane réussira-t-elle là où l'Otan a failli ? Les 13 ans de guerre sont à l'image d'un pays enlisé dans une transition démocratique en panne de l'incontournable gouvernement d'« union nationale » et livré à la recrudescence des attaques des talibans prenant en étau la capitale Kaboul et visant les domiciles de résidents étrangers, des convois diplomatiques, des bus de l'armée afghane, ainsi que le centre culturel français. Il est admis que l'Afghanistan de Ashraf Ghani verra le départ en force des troupes américaines qui diminueront de moitié à la fin de 2015 pour ne laisser, à la fin 2016, qu'une force résiduelle chargée de protéger l'ambassade à Kaboul. Le « Go home » lancé par Obama, promettant un soutien aérien et éventuellement une intervention en cas d'avancée rapide des talibans, est l'expression de la faillite totale des guerres impériales génératrices de chaos à grande échelle en Afghanistan, en Irak et, présentement, dans le sanctuaire de Daech.